19 mars > Essai/Biographie France

On se souvient de l’expression. Interrogé vers la fin de sa vie sur la floraison éditoriale qui lui était régulièrement consacrée, François Mitterrand, esquissant l’ébauche d’un sourire, répondant, cinglant : "Ce sont mes pauvres"… Depuis, cela n’a jamais vraiment cessé, seuls deux de ses plus proches se refusant encore (malgré les offres que l’on imagine nombreuses) de sacrifier à cet exercice obligé autant que rémunérateur : le docteur Jean-Pierre Tarot qui l’accompagna tout au long de ses derniers mois et celle qui fut sa compagne de cœur durant ses trente-cinq dernières années, mère de sa fille Mazarine, Anne Pingeot. Son silence force le respect, comme sa soumission à l’adage anglais "never explain, never complain". David Le Bailly, journaliste à Paris Match, a souhaité s’affranchir de ce silence. Il nous offre avec La captive de Mitterrand un portrait en clair-obscur d’une femme fascinante qui n’a jamais voulu être réduite à son seul statut d’amour secret puis, à partir de mai 1981, de "prisonnière" de la république.

C’est donc l’histoire d’une jeune fille de bonne famille de Clermont-Ferrand à qui rien de tout cela n’aurait jamais dû arriver. Sa famille, apparentée aux Michelin, tient le haut du pavé de la bourgeoisie clermontoise. L’été venu, tout le monde se transporte dans la belle villa sur les bords du lac d’Hossegor où les Pingeot ont pour proche voisin un homme politique qui bien qu’encore jeune semble ne plus guère avoir d’avenir, François Mitterrand. La jeune fille qui n’avait rien vécu et l’homme qui en avait trop vu vont se reconnaître. Le reste appartient, quoi qu’ils en aient, à l’Histoire.

Le travail, largement spéculatif, de David Le Bailly, contrarié par la volonté de son cher sujet de ne lui faciliter la tâche en rien, était des plus difficiles. Il fait mieux que s’en sortir en assumant pleinement cet écueil et en pariant sur une empathie profonde et nourrie de la rigueur de ses recherches. Cette quête du "Rosebud" d’Anne Pingeot restera vaine et c’est justement le fait qu’il n’y ait au fond pas de secret derrière cette mystérieuse histoire qui la rend aussi fascinante. Elle ne nous regarde pas. Elle ne nous a jamais regardés. Mais quelque chose en elle observe le voyeur qu’est tout lecteur.

Olivier Mony

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