Laurent Goumarre - Je veux faire un grand show culturel. Je veux envisager l’actualité culturelle au sens le plus large possible, sous toutes ses formes, c’est-à-dire des entretiens, des débats, des chroniques… Avec la culture comme prisme, il s’agit d’aborder des angles qui pouvaient lui échapper. La rentrée littéraire, par exemple, on peut la traiter par différents biais, comme le judiciaire pour Eva de Simon Liberati. Mais une quotidienne permet aussi de s’appuyer sur l’actualité. A l’occasion de Visa pour l’image, je pouvais faire une énième émission sur le photojournalisme. Plutôt que de se faire du mal, j’ai préféré parler des reporters de guerre et de la féminisation de ce métier.
Je ne me pose pas la question, même si chaque chaîne a sa culture et que cela peut influer. La prise de parole est forcément différente puisque les médias ne sont pas identiques. Mais la façon de présenter une actualité, de travailler un entretien est la même. "Le nouveau rendez vous" dure deux heures, donc j’ai l’impression que mon ton se pose plus, c’est peut-être plus convivial. Comme c’est en direct, ça demande aussi plus de tension. Il ne faut pas perdre le fil de l’entretien alors qu’il est interrompu par les "live" de musique.
Avant "Le nouveau rendez-vous", j’ai le grand entretien de Kathleen Evin : ça dicte l’émission. C’est pareil sur France 5 : avant "Entrée libre", j’ai une émission avec beaucoup d’intervenants. Donc il n’était pas envisageable d’être en plateau avec des invités. Ce qui fait la signature d’"Entrée libre", c’est le reportage.
Parler quotidiennement de la culture à la télévision a libéré la manière de le faire, comme on peut parler de sport ou de politique. Ce n’est plus réservé à un entre-soi. Il y a eu un premier déclic avec "Droit de réponse" : Polac, ce n’était pas Chancel. Il a amené un côté pop, énervé. Aujourd’hui, la culture n’est plus simplement un produit ou une rubrique agenda. C’est une actualité. Il n’y a pas de sujets que la culture ne peut pas traiter. Si on pose la question des migrants, je vais plutôt m’interroger sur la manière dont la fiction s’en empare. La culture n’est plus l’objet mais le sujet.
On constate le déclin du discours promotionnel et répétitif. Les entretiens et les grands portraits sont privilégiés, même dans la presse écrite, parce que la critique, le commentaire, la glose ont éteint le discours. On parlait des œuvres. Là on rend la parole, et pas seulement aux artistes. Sur France Inter, je veux parler des métiers techniques, en rappelant qu’une bande dessinée, c’est aussi l’œuvre d’un coloriste. L’œuvre ne doit pas effacer les auteurs. On voit donc de moins en moins d’émissions promotionnelles. Typiquement, "Le grand journal" était devenu le lieu où la parole était de plus en plus rétrécie. La machine écrasait l’invité.