Le décor est le nord de l’Espagne, la côte galicienne. Le petit village de Noitia, au bord de la mer, avec sa grande plage en forme de demi-lune, ses pêcheurs. Le nouveau roman de Manuel Rivas raconte d’abord une enfance au temps où Cassius Clay se faisait appeler Mohamed Ali et refusait de participer à la guerre du Vietnam.
Victor Rumbo, dit Brinco, est le fils du gérant de l’Ultramar, lieu phare de Noitia, tout à la fois auberge, bar, épicerie et cave. Brinco est ami avec Fins Malpica dont le marin de père fait le Christ le jour de la Passion. Le tandem est toujours avec la fougueuse Léda Hortas qu’on dit plus jolie quand elle se tait. Les jeunes gens jouent au football avec Chelin, qui tient les buts et clame qu’il n’est "pas un pédé". Ils épient aussi les ébats amoureux de touristes qu’ils prennent pour des hippies. Et se tiennent à l’affût des naufrages, prêts à ramasser les oranges ou les cadavres en bois que la mer rejette.
Ici, impossible de rater Mariscal, le patron de la conserverie qui leur recommande de ne pas confondre "rêve et réalité". Il porte costume blanc et panama, se déplace dans une Mercedes-Benz blanche. Son histoire, murmure-t-on, est pleine de "grandes zones d’ombres". C’est à plus haute voix, en revanche, que le barman de l’Ultramar parle de Jennifer Jones et de Joan Crawford avec le sergent Montes ! Les années vont passer, Noitia et ses habitants changer. L’auteur de L’éclat dans l’abîme : mémoires d’un autodafé (Gallimard 2008, repris en Folio) nous transporte une fois encore avec sa force poétique. Sa manière de montrer un monde qui bascule, l’évolution d’êtres marqués par la terre qui les a vus naître. Al. F.