15 octobre > Roman Afrique du Sud

De sa petite maison en bois, Meyer aperçoit le "D" du célèbre panneau "Hollywood". D’aucuns y verraient une perspective plutôt glamour. Pour le narrateur du premier roman traduit en français de Steven Boykey Sidley, Meyer et la catastrophe, "cette lettre renvoie désormais aux mots Désarroi, Décès, Destin tragique, Destruction, Désordre, Drame, Désastre, Dérangement, Déchet." Meyer a 40 ans et se sent en haut d’un grand huit dont il n’est pas certain de réussir à parcourir la boucle, bref il est habité par une angoisse "terne, grise, froide, nébuleuse". Sur le papier, tout va bien ou pas plus mal que d’habitude. Il a un travail de programmeur informatique bien payé et une passion : la musique, à laquelle il s’adonne toujours mais où il a sagement renoncé à faire carrière. Il sort avec Krystal, une jeune femme qu’il hésite encore à demander en mariage. Il faut dire qu’en matière matrimoniale le saxophoniste raté a donné : déjà deux unions et déjà deux divorces - Grace, une Zimbabwéenne blanche qui a fui le régime de Mugabe, rencontrée quand ils étaient très jeunes et quittée très vite et dont il a eu un fils, innocent ; et Bunny avec laquelle il n’avait rien en commun à part le sexe, et dont il a eu une fille, Isobel.

Meyer confie sa crise existentielle à son vieux pote musicien Van qui le rembarre : "Va te faire foutre avec ton angoisse à deux balles ! Et t’avise pas de venir jouer les faux-culs, alors que tu m’as humilié et insulté pendant toutes ces années. L’angoisse c’est mon rayon et t’as pas intérêt à marcher sur mes plates-bandes." Quand il se tourne vers son ami psychothérapeute iranien Farzad, la réponse n’est pas moins cinglante. Angoisse ? Quelle angoisse ? Le psychologue lui déballe les histoires de viols, de tortures, de meurtres et autres traumas de réfugiés qu’il voit débarquer dans son cabinet. Comme l’amour gît dans les yeux de l’amant, le malaise n’est autre que le regard de l’angoissé. Le patron de sa boîte qu’il ne peut plus encadrer, l’impression qu’il va bientôt se faire larguer par sa "future ex-petite amie", la jalousie du papa poule qui ne supporte pas que sa fille adolescente s’épanouisse et s’émancipe… C’est avec la subjectivité du parano façon Catch 22 de Joseph Heller que Steven Boykey Sidley nous entraîne dans les tribulations imaginaires et réelles de son héros. Un petit bijou d’humour juif dépressif. S. J. R.

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