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La cession du contrat d'édition

La cession du contrat d'édition

"L'éditeur ne peut transmettre, à titre gratuit ou onéreux (...) le bénéfice du contrat d'édition à des tiers, indépendamment de son fonds de commerce, sans avoir préalablement obtenu l'autorisation de l'auteur" a stipulé la Cour de cassation en mai dernier.

La Cour de cassation s’est penchée, le 24 mai 2017, sur la validité des cessions de contrats d’édition. En l’occurrence, des auteurs avaient conclu des contrats avec un éditeur, lequel avait cédé lesdits contrats sans y avoir été autorisé par les signataires. Les créateurs avaient, selon l’éditeur, ratifié par avance la cession litigieuse en se « portant fort » de toute cession. Les auteurs ont donc argué en justice de l’absence de consentement préalable à la cession.

Et la Cour de cassation d’estimer qu’ils ne n’avaient pu renoncer à se prévaloir de la nullité de la cession de leurs contrats.

Il est vrai aussi que les contrats précisaient expressément que la société d’édition s'obligeait à obtenir l'accord de tous en cas de substitution de cocontractants.

Les magistrats ont souligné, en toute logique, que l'article L. 132-16 du code de propriété intellectuelle (CPI) dispose « l'éditeur ne peut transmettre, à titre gratuit ou onéreux, par voie d'apport en société, le bénéfice du contrat d'édition à des tiers, indépendamment de son fonds de commerce, sans avoir préalablement obtenu l'autorisation de l'auteur ».

Chaque écrivain, chaque photographe doit donner son consentement personnel

Relevons en effet que la cession du contrat d’édition, tout comme le contrat lui-même, doit répondre à des exigences posées par la loi et la jurisprudence. De même que l’auteur ne peut céder librement son contrat à un autre auteur qui viendrait à le remplacer, un autre éditeur ne peut être substitué à l’éditeur signataire du contrat sans le consentement de l’auteur.

Aux termes de l’article L. 132-16 du CPI précité, le contrat d’édition, comme celui de cession des droits d’adaptation audiovisuelle, reste en effet un contrat conclu intuitu personae, c’est-à-dire en raison de l’identité, des qualités spécifiques des contractants. En théorie, chaque écrivain, chaque photographe doit par conséquent donner son consentement personnel et éclairé à la cession des contrats qui le lient à leur éditeur.

Un contrat d’édition signé avec une société ne peut ainsi être transféré à une maison du même groupe sans l’accord formel de l’auteur. De même, il a été jugé que le contrat d’édition ne pouvait être signé par « le groupe d’édition » : une telle mention reviendrait à contourner la règle de la nécessité du consentement de l’auteur à la cession de son contrat à l’une ou l’autre des maisons du groupe.

L’éditeur peut encore moins inclure dans le contrat d’édition une clause par laquelle l’auteur renonce à exercer toute opposition à cette cession, hormis le cas très particulier où l’œuvre est anonyme.

Une seule exception

La seule possibilité de cession du contrat par l’éditeur, sans qu’il ait à en référer à l’auteur, reste la cession de son fonds de commerce. Cette cession peut intervenir ou non dans le cadre d’une faillite.
Le législateur a cependant prévu, aux alinéas 2 et 3 de l’article L. 132-16 du CPI :
« En cas d’aliénation du fonds de commerce, si celle-ci est de nature à compromettre gravement les intérêts matériels ou moraux de l’auteur, celui-ci est fondé à obtenir réparation même par voie de résiliation de contrat.
« Lorsque le fonds de commerce d’édition était exploité en société ou dépendait d’une indivision, l’attribution du fonds à l’un des ex-associés ou à l’un des co-indivisaires en conséquence de la liquidation ou du partage ne sera, en aucun cas, considérée comme une cession.
»

L’auteur peut donc toujours tenter de s’opposer à la cession de son contrat même à l’occasion d’une cession par son éditeur d’origine de toute une « écurie ». Les juges examinent cependant très sévèrement les contestations soulevées par les auteurs et leur demandent une véritable démonstration du grave préjudice qu’ils subiraient en cas de « transfert ».

Mais il reste toutefois possible pour l’auteur de faire simplement figurer dans le contrat une clause aux termes de laquelle celui-ci ne sera pas cédé avec le fonds de commerce.

Concluons donc que l’édition est un métier aussi difficile que l’écriture. Et les règles de droit, sont là pour nous le rappeler.

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