Journaliste littéraire (notamment dans les pages du Magazine littéraire), biographe de François Augiéras et de Brassaï (Grasset, 2006 et 2010), Serge Sanchez a cette fois entrepris de parcourir sa bibliothèque « comme on le fait de l’entrepôt d’un brocanteur ». En remisant la psychologie et l’intrique pour se concentrer sur les « objets qui forment le décor des livres », objets réels ou rêvés. Le résultat donne un réjouissant inventaire qui, comme le dit en préface son éditeur Mario Pasa, « nous rend attentifs à l’éloquence muette des objets, dans les livres et autour de nous ».

Sanchez, dont Stendhal « plus que tout autre auteur » a enchanté la jeunesse, a commencé par être intrigué par les chaussures rafistolées du lieutenant Robert dans La chartreuse de Parme. Chemin faisant, le voici amené à se pencher sur un Edgar Allan Poe raillant le goût des Américains en matière de décoration mais vantant les mérites de la lampe astrale avec son abat-jour en verre poli ou clamant : « Le tapis, c’est l’âme de l’appartement. »

Notre guide nous ouvre la maison surchargée du Des Esseintes de Huysmans à Fontenay-aux-Roses. L’atelier d’André Breton, rue Fontaine, où, sur une étagère, on trouve la cuiller de facture paysanne de L’amour fou avec son manche terminé en bottine. L’hôtel particulier de Balzac, rue Fortunée, avec sa cour d’entrée contenant un vase de huit mètres de haut.

Marcel Proust est l’une de ses grandes marottes. Un Proust qui se demande notamment quoi faire avec la potiche de tante Léonie et offre un canapé au tenancier d’une maison pour hommes non loin de la gare Saint-Lazare… Serge Sanchez, qui propose ici des analyses littéraires à la fois personnelles et pertinentes, déplore la fin de la civilisation des bancs. Il nous entretient de fauteuils, de cannes, des chapeaux ou de robes de chambre avec une passion contagieuse. Stimulante, la visite vaut le détour et donne une furieuse envie de relire les écrivains que l’on y croise. Al. F.