28 août > roman France

Après plusieurs romans remarqués, dont No et moi (JC Lattès, 2007, repris au Livre de poche) et Les heures souterraines (JC Lattès, 2009, repris au Livre de poche), Delphine de Vigan a ensuite frappé un grand coup avec Rien ne s’oppose à la nuit (JC Lattès, 2011, repris au Livre de poche). Un roman autobiographique remarquable qui lui a valu d’être la lauréate d’une multitude de prix littéraires, dont le prix du Roman Fnac 2011 et le grand prix des Lectrices de Elle 2012, et d’être lue par des centaines de milliers de personnes.

La revoici en librairie avec un livre d’une redoutable intelligence, D’après une histoire vraie. Un audacieux tour de force où l’auteure de Jours sans faim (Grasset, 2001, repris chez J’ai lu) s’interroge sur le pouvoir de la fiction, le vrai et le faux, tout en embarquant le lecteur dans une manière de thriller haletant.

La narratrice est une romancière prénommée Delphine. Elle a deux enfants qui grandissent et prennent leur envol, un compagnon qui présente une émission littéraire et dirige un mensuel. Delphine n’a pas écrit une ligne depuis la parution de son dernier livre, un roman autobiographique sur sa mère. Un opus dont elle n’avait pas mesuré l’impact qu’il allait avoir. Elle raconte ici comment sa vie a basculé, comment elle s’est retrouvée au fond du trou. De quelle manière une femme, seulement présentée sous l’initiale "L.", l’a bouleversée "en profondeur, lentement, sûrement, insidieusement".

Exsangue, Delphine se rend à une fête où elle n’avait pas prévu d’aller, entraînée par une amie écrivaine croisée au Super U. Ce soir-là, elle fait la connaissance de L. qui lui paraît ravissante et sophistiquée. Ladite L. a son âge. Elle est veuve, n’a pas d’enfants, écrit pour les autres après avoir été journaliste. D’emblée, L. montre un "sens inouï de l’autre", semble tout savoir de Delphine. Une Delphine qui cherche à bâtir quelque chose autour de l’univers de la téléréalité et se met à recevoir des lettres anonymes violentes lui reprochant d’avoir parlé de sa famille. L’écriture, les nouvelles amies en parlent souvent. Pour L., elle doit être "une recherche de la vérité" et rien d’autre. A l’entendre, les scénaristes ont capturé la fiction. Au point que les écrivains ont mission de "rendre compte du réel, dire la vérité". Et que si Delphine est bloquée, c’est uniquement parce qu’elle se refuse à écrire ce qu’elle doit écrire.

Il n’est pas anodin que Delphine de Vigan glisse en exergue de chacune de ses trois parties une citation de Stephen King, celui de Misery, de La part des ténèbres. D’après une histoire vraie dissèque une emprise, une colonisation, une intrusion, une possession. Le lecteur ne peut s’empêcher de penser au Ian McEwan de Délire d’amour. A l’univers troublant en diable de Patricia Highsmith et à son personnage mythique de Tom Ripley. Aux commandes d’une mécanique incroyablement affûtée et incarnée, Delphine de Vigan bluffe son monde avec son art du suspense et de la mystification. Alexandre Fillon

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