Gravé dans la roche. Loin d'être usé par ses 198 millions de livres vendus dans 80 pays et traduits dans 43 langues, Ken Follett, à 76 ans, nous surprend encore en bifurquant vers un nouveau genre : un roman aux allures de mythe des origines, Le cercle des jours. Après des débuts dans le thriller, en 1974, le Gallois est devenu le pape de la fresque historique à partir de la saga Kingsbridge, inaugurée par son œuvre phare Les piliers de la Terre (Stock, 1990). Délaissant les siècles familiers du Moyen Âge, la dystopie (Pour rien au monde, Robert Laffont, 2021) ou encore la révolution industrielle (Les armes de la lumière, Robert Laffont, 2023, qui s'est vendu en France à plus de 280 000 exemplaires GfK tous formats confondus), l'auteur nous transporte plus de 4 500 ans en arrière, à l'aube de la civilisation européenne, au Néolithique. Dans la plaine sise au sud de l'Angleterre où se situe aujourd'hui le site archéologique de Stonehenge, les premières communautés humaines se divisent entre éleveurs, agriculteurs et habitants des bois. Les intérêts des uns butant sur ceux des autres, une guerre s'annonce. Par ailleurs, un groupe de personnes va tenter une chose inédite : entreprendre, en remplacement d'un cercle de bois, la construction d'un cercle de pierre qui permettrait de mesurer les jours, les saisons, les solstices, de fixer le rythme nécessaire autant au développement de l'agriculture qu'à l'organisation sociale. Par ce passage du bois à la pierre, on comprend que débute la civilisation, en inscrivant une architecture dans la durée, cette pérennité qui rend la transmission possible.
Autour de ce chantier fondateur gravite une galerie de personnages archétypiques. Seft, jeune tailleur de silex, dont l'ingéniosité préfigure le savoir scientifique et technique, est en rupture avec sa famille au patriarcat brutal. Neen, celle dont il va tomber éperdument amoureux, est une femme libre qui refuse les unions imposées, d'autant plus qu'elle a grandi dans un environnement familial protecteur. Joia, enfin, sa sœur, pleine de curiosité, va devenir prêtresse et savante, porteuse d'un renouveau spirituel.
Impossible de ne pas comparer Le cercle des jours aux Piliers de la Terre, malgré plus de trois millénaires d'écart, puisqu'on assiste, dans les deux cas, à l'élaboration d'un édifice sacré conçu pour durer au-delà des générations, lequel n'aurait été possible sans une fédération de bâtisseurs. Mêmes luttes intestines dans les deux livres, mêmes amours, même importance accordée à la figure de l'artisan. Ici, Seft, ingénieux touche-à-tout qui mêle sens pratique et intelligence, comme naguère Jack dans Les piliers de la Terre, architecte autodidacte. En revanche, ce qui distingue Les Piliers du Cercle des jours, c'est le style narratif, volontairement épuré cette fois, presque primitif. Ce qui aurait pu produire une forme de gravité poétique, mais qui, hélas, aplatit quelque peu le souffle romanesque. Reste que l'on ressort de ce récit pédagogique, presque didactique, incollable sur les us et techniques de nos lointains ancêtres.
Le cercle des jours
Robert Laffont
Traduit de l’anglais par Pierre Reignier et Odile Demange
Tirage: 240 000 ex.
Prix: 25,90 € ; 616 p.
ISBN: 9782221277096