La vie du bon côté. Comme Taiyō Matsumoto ou Inio Asano, Keigo Shinzo, né en 1987, développe une œuvre sensible dans laquelle il met souvent en scène le passage à l'âge adulte, tantôt avec humour (Tokyo Alien Bros.), tantôt sur un ton plus dramatique (Mauvaise herbe). Dans cette nouvelle série, Hirayasumi, débutée en mars et dont paraît le deuxième volume, il met en scène Hiroto, un jeune célibataire qui va sur ses 30 ans en se laissant porter par l'existence. Hiroto est un freeter, un travailleur à temps partiel, qui bosse sur un stand de pêche. Il vit dans une petite maison délabrée que lui a léguée une vieille dame avec laquelle il avait sympathisé. Pas de loyer, pas d'attaches, sa vie s'écoule sans éclat mais dans le calme et l'insouciance. Sa routine est interrompue lorsque sa jeune cousine de province, Natsumi, vient s'installer chez lui pour étudier aux Beaux-Arts de Tokyo. Si le flegmatique Hiroto n'a aucune ambition, la dynamique Natsumi, elle, rêve d'être mangaka et ne ménage pas ses efforts pour y parvenir. Autour de ce couple antinomique gravitent Hideki, le meilleur ami d'Hiroto, stressé, marié et bientôt père ; Yomogi, engluée dans son travail d'agente immobilière prenant et pas toujours gratifiant ; et Akari, une camarade de Natsumi, posée et raisonnable.
La rencontre de ces personnages fait tout le sel d'Hirayasumi. Au-delà des scènes réjouissantes que ne manquent pas de provoquer leurs différences, chacun découvre le quotidien des autres, sans pour autant l'envier, et en vient à s'interroger sur son propre mode de vie. C'est pour celui d'Hiroki, tranquille, décontracté, loin du bruit et de la fureur du monde moderne, que Keigo Shinzo semble avoir le plus d'affection. À travers les autres protagonistes, l'auteur évoque sans jugement et avec justesse et humanité la perte des illusions, la pression du travail sur les jeunes actifs, la solitude. De son dessin d'une grande finesse, léger, il retranscrit avec subtilité les émotions des uns et des autres. Les décors précis installent naturellement une ambiance réaliste et crédible. Derrière ses personnages sympathiques et un récit allègre, Keigo Shinzo n'épargne pas son pays et ses traditions -- - une fête populaire se transforme en corvée pour les commerçants, obligés de participer hors de leur temps de travail -- -, ni les travers de ses contemporains. Son humour renforce la connivence avec le lecteur - un rouleau de film alimentaire récalcitrant gâche une journée, les personnages rient de situations stéréotypées (« On se croirait dans un manga », dit Natsumi). À contrecourant de la majorité de la production qui valorise compétition, efforts et réussite, une joyeuse leçon d'optimisme, un hymne à la douceur de vivre et à l'amitié.
Hirayasumi. Vol. 2 Traduit du japonais par Sylvain Chollet
le Lézard noir
traduit de japonais par Aurélien Estager
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 13 € ; 192 p.
ISBN: 9782353482795