Shmuel ignore s’il est "à la merci de forces supérieures", mais il perd simultanément sa fiancée et le financement de ses études. Une petite annonce vient à sa rescousse. Emanant d’un vieux monsieur, elle propose un hébergement moyennant plusieurs heures d’échanges intellectuels, littéraires et politiques.
Ainsi le héros atterrit-il dans la demeure de Gershom Wald. Il y règne une ambiance pesante et mystérieuse. Celle-ci est renforcée par la présence glaciale d’Atalia. Shmuel est aimanté par cette ensorceleuse, d’une redoutable féminité. D’autant qu’elle est la fille d’Abravanel, un sioniste rebelle opposé à Ben Gourion et à la création d’Israël. Une figure aussi contestée que Judas.
Habité. Etudiant en histoire des religions, Shmuel est habité par ce personnage controversé. Sa thèse sur "Jésus dans la tradition juive" vise justement à réhabiliter le traître. Or "rien n’est plus trompeur que le cœur humain", soutient le prophète Jérémie.
C’est ce que découvrent ces trois personnages, piégés le temps d’un hiver à Jérusalem. A travers leur somme de solitudes impassibles, Amoz Oz saisit l’amour et le deuil impossible. Il réussit un tour de force en y mêlant l’impasse des idéologies religieuses et politiques.
L’écrivain se montre souvent critique à l’égard de son pays. Cette fois, il va plus loin en interrogeant les fondements de l’Etat hébreu. Un roman audacieux, écrit sous les cieux des désillusions, mais qui nourrit aussi le rêve.
Amos Oz, Judas, traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen, Gallimard, "Du monde entier". Prix : 21 euros, 352 p. ISBN : 978-2-07-017776-9. Sortie : 25 août.