2 mai > Roman France

C’est une histoire à deux personnages principaux, dont, à partir de leur rencontre fortuite dans un dîner en ville, les destinées vont s’entremêler autour d’un projet à la fois humanitaire et littéraire, jusqu’à un double basculement. L’un s’appelle Jean Grégor, c’est un écrivain célèbre, auteur de onze livres, dont les cultissimes Frigo et L’ami de Bono. L’homme fut longtemps un fêtard mondain, excessif, qui passait son temps à se déchirer la tête en boîte avec Frédéric Beigbeder, tout en écoutant du Michel Delpech. Dans tout cela, déjà, une partie est authentique, une autre, forcément, fiction. Aujourd’hui, Grégor en a assez de sa vie. Il a décidé de tout reprendre à zéro, de larguer les amarres. Non point de se suicider, mais de changer de nom, de disparaître, de devenir invisible, dans le plus grand secret. Il commence par rompre avec Astrid, sa petite amie, soudainement, sans explication. Et puis, il met en œuvre son grand projet, dont Igor Panegre (pas nègre ?) va devenir l’exécuteur.

Igor est un acteur et un metteur en scène dépressif, qui vient de se faire plaquer par sa femme Francesca. Déjà, pas plus que son frère Serge, rebelle dans sa jeunesse, devenu détective privé et marié à une Tamoule, ou sa sœur Karine, une fille un peu brutale, fan de Véronique Sanson et enceinte d’un gay, il n’a digéré que leur père, Sacha, ait abandonné sa famille, trente-trois années auparavant, sans plus jamais donner de nouvelles. A 12 ans, voir son père disparaître, c’est rude. Igor s’est construit tant bien que mal, mais il se cherche encore. C’est là que sa rencontre avec Jean va être déterminante.

Celui-ci a décidé de prendre en main la rééducation, la réinsertion d’un "clopinard", un SDF alcoolo mais cultivé, caustique, et doué pour jouer la comédie, Barthélémy Dufoin, dit Babar. Il le tire du métro, le prend chez lui, lui refait une santé et une culture. Quant à Igor, il suit tout le processus, censé devenir un livre, plus une pièce de théâtre. Tout se déroule selon les plans de Jean : la pièce s’écrit, se monte, Barthélémy y joue son propre rôle et remporte un sacré succès. Tandis que toute la fratrie Panegre s’est finalement lancée à la poursuite de son géniteur (jusqu’à Rome, où Karine accouche d’un petit Aldo), Jean se retire de plus en plus, et c’est Igor, le seul à être mis dans la confidence, qui prend sa place jusqu’à la plus intime… On ne révélera pas, bien entendu, la fin de ce double imbroglio subtilement emmêlé.

Jean Grégor, écrivain farfelu, joue ici brillamment avec les codes de l’autofiction. Le Jean Grégor du roman, c’est à la fois lui et pas lui. On espère seulement que Le dernier livre de Jean Grégor ne sera pas le dernier livre de Jean Grégor. Jean-Claude Perrier

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