21 AOÛT - ROMAN Israël

Ronit Matalon- Photo DR/STOCK

Dans le mouvement qui secoue actuellement le monde littéraire israélien, visant à instaurer, à l'image de l'exemple français, un prix unique du livre, la presse met en avant cinq grands noms, les plus prestigieux à ses yeux, soutenant cette proposition de loi : Amos Oz et David Grossman, bien sûr, mais aussi Yoram Kaniuk, Zeruya Shalev et Ronit Matalon. Parmi ceux-ci, seule cette dernière demeurait jusqu'alors curieusement inconnue des lecteurs français. La publication à la rentrée du Bruit de nos pas devrait permettre de combler cette lacune et d'ouvrir la voie à la découverte du reste de son oeuvre (trois romans, un recueil de nouvelles, un recueil d'essais et un récit pour les enfants).

Quelque part dans un faubourg d'Israël, sans doute aux confins des années 1950 et 1960, une famille immigrée comme les autres, hétéroclite assemblage de juifs égyptiens parvenus bon gré mal gré à la Terre promise. Le père, séfarade en proie à la souffrance sociale, est absent, mais son absence est aux yeux de "l'enfant", narratrice aux naïvetés bienvenues, la plus charmante des absences. La mère est là sans y être, requise de l'aube à la nuit par ses travaux de ménage chez les autres, mais dont l'autorité morale ne saurait être discutée, ni se faire oublier. Il y a aussi Nonna, la grand-mère, femme hors de toute mesure, dont les souvenirs sont à sa petite fille comme autant de douceurs. Il y a enfin Corinne et Sami, le grand frère et la grande soeur, la coquetterie de l'une et l'humanité de l'autre bordant le terrain vague qu'est le quotidien de "l'enfant". Et tout ce petit monde, exagéré, violent, aimant, s'attirant et se repoussant sans cesse dans la matrice de la "baraque", cette maison de rien, des à-côtés de la vie, qui leur est un tout.

Au fond, Le bruit de nos pas est un roman de formation qui ne ressemble à aucun autre. La singularité de Ronit Matalon est tout entière dans son style, sa voix, sa musique. Et ce qui déconcerte au début - une composition où le récit ne se dévoile qu'en recollant les fragments de verre d'un miroir brisé - est ce qui finit par emporter l'adhésion. S'extrayant de la gangue compassionnelle, se refusant aux joies faciles du pittoresque ou de la démonstration, Matalon offre un poème de l'exil et de la mémoire qui sait que la beauté et la vérité n'ont pas à s'embarrasser d'être aimables.

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