Extravagant est le qualificatif qui revient le plus souvent pour décrire le musicien écrivain Hélios Azoulay, performer surréaliste, auteur de trois essais dont L'enfer aussi a son orchestre. La musique dans les camps (La librairie Vuibert, 2015). Le fond tragique et paradoxal de cette extravagance trouve sa forme dans ce premier roman, dérive autobiographique parmi des « souvenirs inaccostables », où les points sont remplacés par des blancs de longueurs variables comme des respirations pour moduler le souffle.

« Un enfant heureux dans une enfance malheureuse », affirme avoir été ce garçon né dans une famille de pieds-noirs rapatriés de Tunisie à Nice. Un enfant chanceux dans une enfance « incidentale » comme l'est l'ensemble dont le compositeur clarinettiste est le directeur musical. Une enfance surtout pleine d'absents devenus fantômes : le père, toxicoman, poète, mort à Bombay en 1979, à 29 ans quand Hélios et son frère jumeau en avaient 4 ; la mère spécialiste des types à embrouilles occupée elle aussi à déserter le réel. Mais une enfance sauvée aussi par le formidable « Pépé », le grand-père maternel tuteur, « une mère juive ». Celui qui était là pour donner le goût du bonheur au milieu d'un malheur extravagant.