16 mars > Roman France

Huit notes de musique. Huit petites notes de musique pour trois ou quatre minutes, pour toute une vie. Ces huit notes, Frank les a composées avec son ami Richard, un jour (plus vraisemblablement, une nuit) des années 1980. Un producteur, qui transformait alors tout ce qu’il touchait en corne d’abondance, en a fait un tube ; pour Frank, un destin. Trente ans plus tard, retiré dans la maison de campagne bourguignonne que lui ont léguée ses parents, il vit encore - si peu, si mal - des royalties de cette satanée chanson. Autour de lui, tout a foutu le camp, la jeunesse, la promesse du monde, tout sauf cette ritournelle entêtante.

Hasard éditorial ou effet de la "mélancolisation" du monde, après Jean Echenoz et son Envoyée spéciale, dont le personnage masculin principal était aussi un compositeur d’un unique "tube", le Franco-Américain Mark Greene à son tour obéit à cette hypothèse, ô combien romanesque. 45 tours, qui marque son arrivée sous la casaque bleu nuit des éditions Rivages, est son quatrième roman et sans doute l’un des plus aboutis. Si l’on pouvait craindre que l’on y sacrifie à la nostalgie un peu éculée et finalement trop souvent de la part des officiants de ce culte, narcissique, des folles années 1980, Greene échappe avec une très intrigante élégance à cet écueil. Tout d’abord en décalant géographiquement les étapes de cette nostalgie (il est moins question ici du Palace ou de Saint-Germain que des Champs, de la rue de l’Estrapade ou du Prince-de-Galles) ; ensuite et surtout en dotant tous ses personnages, hier comme aujourd’hui, d’une épaisseur existentialiste assez torve qui les apparentent moins aux héros modianesques qu’à ceux d’Emmanuel Bove. La fréquentation de ces garçons d’hier, de ces ratés magnifiques est hautement recommandée. O. M.

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