Histoires de la violence. Il y a quelque chose de baroque chez Gonçalo M. Tavares. Pas au sens du style : son écriture visuelle est sèche, esquissant des saynètes surréalistes, à la limite de l'absurde. Mais baroque dans le sens originel de cette perle irrégulière éponyme d'une esthétique qui intègre à l'idée de beau le bizarre et dans la notion de vérité la courbe. Il n'est rien de droit en ce monde, aussi la meilleure façon de le figurer est-elle encore de le dépeindre comme un cruel théâtre de marionnettes où, tous, nous sommes mus par des ressorts qui nous dépassent. Le rêve d'harmonie et d'intelligence entre les êtres s'est dissipé au gré des guerres, des massacres... La violence est toujours gratuite.

Né en 1970 en Angola, l'auteur portugais poursuit avec L'os du milieu son cycle romanesque Le royaume autour de la question du mal, initié par Un homme : Klaus Klump & La machine de Joseph Walser (Viviane Hamy, 2014). Dans ce court roman, Tavares jette ses quatre protagonistes sur une scène pleine de ténèbres, où l'instinct domine sans frein. Le vieux Kahnnak, malgré son âge, le sexe dans une main et le couteau dans l'autre, entend toujours violer ; Maria Llurbai révèle à Walter, son mari, qu'elle l'a trompé avec un certain Kahnnak du temps de sa jeunesse ; le D^r Mulder « épi[e] les garçons à leur insu, pendant qu'ils se déshabill[ent] dans une pièce du cabinet de consultation » ; quant au gros Vassliss Rânia, il pratique son métier d'équarrisseur avec délectation : « C'est dans une boucherie qu'on sent l'authentique odeur du monde. »