Rentrée littéraire 2021

Gérard de Cortanze, « Le roi qui voulait voir la mer » (Albin Michel) : Vive le roi !

Gérard de Cortanze - Photo ©Witi DE TERA/Opale/Leemage/Éditions Albin Michel

Gérard de Cortanze, « Le roi qui voulait voir la mer » (Albin Michel) : Vive le roi !

Gérard de Cortanze romance un épisode peu connu du règne de Louis XVI. Tirage à 8000 exemplaires.

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Par Jean-Claude Perrier,
Créé le 28.09.2021 à 16h49

Au mois de juin 1786, Louis XVI, 32 ans dont douze de règne, décide d'aller voir la mer, au grand dam de ses conseillers scandalisés, Ségaut, maréchal de France, de Coste, secrétaire d'État à la Marine, et La Voûte, conseiller spécial. Le roi, curieux de tout et en particulier de la chose maritime, des vaisseaux, des armements, des cartes marines et, plus largement, d'un vaste monde qu'il aurait rêvé de connaître, avait eu cette idée afin d'échapper au lourd protocole de Versailles, à son étouffante étiquette, à cette cour de parasites qui le méprisait et qu'il détestait, à cette prison dorée où il était de fait plus captif que monarque. Mais, sous couvert de ce projet qui pouvait se justifier politiquement (aller inspecter le renforcement de nos côtes à Cherbourg face à l'Angleterre), le roi en avait un autre : aller « au-devant de son peuple », afin de se faire une opinion directe et réelle de la situation du royaume, que son entourage et ses ministres s'ingéniaient à lui dissimuler.

Pour ce faire, il conçoit un périple à travers toute la Normandie, de Versailles à Cherbourg aller-retour, du 21 au 29 juin, décidant lui-même des étapes, et exigeant que son cortège soit réduit à l'essentiel : deux carrosses, le sien et celui des trois conseillers, marris d'être embarqués dans une aventure qui les rebute et les effraye − la Normandie n'est-elle pas réputée terre sauvage, où le paganisme des Vikings est encore bien ancré ? Il leur adjoint Laroche, un soldat excentrique, sale et puant mais brave, franc et fidèle, en qui il a confiance, au cas où.

Que la fête commence

En fait, tout va se passer à merveille : partout la population l'acclame, même s'il souhaitait plus de discrétion. Il fait son boulot, il parle avec chacun, même les plus humbles, il visite la flotte, les forts. L'abbesse de Montivilliers lui offre un paon blanc, il goûte le camembert à Gaillon chez le cardinal de La Rochefoucauld... Mais il faut hélas rentrer : ainsi qu'une mystérieuse jeune fille croisée à plusieurs reprises le lui avait prédit, de lourdes menaces planent autour de la tête royale. Au fur et à mesure que le roi se rapproche de Versailles, il essuie des tempêtes, une pluie de sauterelles, de violentes émeutes de paysans affamés, des agressions verbales et physiques. Cela fait penser à la fin de Que la fête commence, le grand film de Bertrand Tavernier.

De retour chez lui, Louis XVI tirera les enseignements de son voyage, lançant un certain nombre de réformes. Trop tard, on le sait : trois ans plus tard éclatait la Révolution. Et, le 21 janvier 1793, Louis Capet était guillotiné place de la Révolution.

Gérard de Cortanze, qu'on ne savait pas si royaliste, s'est emparé avec gourmandise de cet épisode peu connu du règne de Louis XVI. Il le développe, le romance, le nourrit d'innombrables lectures et clins d'œil, se plaçant sous le haut patronage de Borges. En même temps, il instruit un procès en réhabilitation, peut-être un peu trop indulgent. Le tout est enlevé, on révise à grandes guides notre histoire de France, laquelle est en perpétuelle révolution. Les écrivains y contribuent.

Gérard de Cortanze
Le roi qui voulait voir la mer
Albin Michel
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 19,90 € ; 256 p.
ISBN: 9782226449382

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