Ils sont américains, portent des noms d'acteurs, communiquent grâce au chat Gmail ou en s'envoyant des textos. "Dakota Fanning" a 16 ans ; "Haley Joel Osment", 22. Elle habite une ville du New Jersey, a des parents divorcés, une mère qui raffole de Shrek, un frère, un petit boulot chez McDo. Lui travaille à New York, dans une bibliothèque privée sur la 76e Rue, partage un appartement pour trois personnes où il y a un matelas gonflable. Ajoutons qu'il écrit des poèmes, s'intéresse à Hemingway, a peur des "interactions sociales", mange bio, est allergique aux poils de chat.
Quand ils se retrouvent autrement que virtuellement, Dakota Fanning et Haley Joel Osment se parlent, se promènent, font l'amour, vont au restaurant, regardent le monde qui les entoure d'un drôle d'air. Chez Barnes & Noble, Dakota Fanning vole un roman de Richard Yates - écrivain américain culte qui donne son titre à un livre étrange où il est cité six fois - et une BD de Daniel Clowes. A American Apparel, ils volent ensuite pour environ 250 dollars de robes.
Pour la jeune fille, "les fourmis sont la seule chose de bien dans le monde". Son camarade, lui, trouve que "si on est obèse ça veut dire qu'on a renoncé à la vie"... Ici, pas d'effets de manches ni de style, beaucoup de dialogues. Difficile de ne pas penser à Génération X, de Douglas Coupland, ou à Moins que zéro, de Bret Easton Ellis, en lisant le premier roman traduit en français d'un jeune prosateur américain né en 1983 en Virginie. Hypnotique et volontairement atone, le Richard Yates de Tao Lin a des chances de devenir la bible de la génération XX. Pour reprendre le nom d'un groupe à la musique minimaliste mais totalement incarnée que devraient écouter Dakota Fanning et Haley Joel Osment.