Essai/France 5 mars Jean-Pierre Andrevon

Les amateurs d'imaginaire se souviennent de la formidable Encyclopédie de l'utopie, des voyages extraordinaires et de la science-fiction de Pierre Versins publiée en 1984 à L'Âge d'Homme, épuisée depuis longtemps. Jean-Pierre Andrevon a tenté une démarche similaire, plus modeste mais également en solitaire, sur le thème des dystopies, ces utopies sombres dont les quatre piliers sont pour lui Le Talon de fer (1908) de Jack London, Nous (1920) d'Evgueni Zamiatine, Le Meilleur des mondes (1932) d'Aldous Huxley et bien sûr 1984 (1949) de George Orwell.

Son anthologie - hors fantasy - prend en compte quelques BD remarquables comme Transperceneige et des séries télévisées comme Person of Interest. Ce prolifique auteur de science-fiction, également auteur de romans fantastiques et de polars, n'oublie pas ses propres œuvres - il a raison - comme Le travail du furet à l'intérieur du poulailler (1983) dans lequel des « régulateurs » assermentés éliminent les citoyens désignés par un ordinateur pour contrôler la démographie. Mais l'essentiel de son escapade dans ces futurs moches commence par la littérature de la fin du XIXe siècle et le cinéma depuis les années 1920 et le fameux Metropolis (1926) de Fritz Lang.

En adoptant le classement par thèmes - « aux mains des robots », « la lutte des classes », « on est trop ! », etc. - Jean-Pierre Andrevon accentue la dimension politique de son florilège et lui donne les apparences de l'essai. Car en somme, si l'on écarte la puissance de style chez certains, c'est bien cette dénonciation du « diktat des dictatures » qui ressort de cette promenade fictionnelle.

D'ailleurs Andrevon le constate : « La dystopie, on l'a tellement sous les yeux qu'elle offre le paradoxe de devenir invisible. » Avec les caméras de surveillance, la reconnaissance faciale et les outils de l'intelligence artificielle, nous sommes déjà dans l'univers de Philip K. Dick. Car la dystopie fonctionne beaucoup par la servitude volontaire, l'acceptation de règles absurdes, totalitaires ou criminelles au nom d'une forme de tranquillité avec l'idée que l'enfer ce sont les autres et que c'est donc sur eux que va s'exercer le marteau du pouvoir. Or on sait ce qu'il en est... Outre une invitation à lire ou à relire, à voir ou à revoir, cette stimulante flânerie révèle la richesse d'un genre qui a toujours ses fans.

Jean-Pierre Andrevon
Anthologie des mondes indésirables : la dystopie, littérature et cinéma
Vendémiaire
Tirage: 1 800 ex.
Prix: 26 euros ; 348 p.
ISBN: 9782363583383

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