Entretien

Le 17 avril 2020, en plein confinement, la première rencontre d'Un endroit où aller se déroule en Facebook live avec Stéphanie Hoche. Un an après, quel bilan tirez-vous de ce dispositif de rencontres littéraires en ligne ?

Très positif ! En un an, nous avons organisé 230 rencontres et nous avons travaillé avec une cinquantaine de maisons d'édition. Notre audience n'a cessé de monter en puissance. Chaque rencontre diffusée sur Facebook bénéficie de 200 à 4 000 vues en 48 heures. Youtube et Instagram nous apportent entre 200 et 1 000 vues supplémentaires. C'est un public captif et fidèle. Les gens restent quasiment tout au long de l'émission et certains sont là tous les soirs parce qu'ils aiment notre formule. Ce qui me fait dire qu'Un endroit où aller est devenu un label. En outre, depuis septembre, chaque personne qui travaille pour la plateforme est rémunérée.

A quel besoin répondait cette création ?

Lors du premier confinement, il nous manquait cruellement un endroit où aller pour parler littérature et retrouver les auteurs. Je l'ai ressenti d'autant plus profondément que mon nouvel ouvrage, Shankara, était sorti en janvier 2020. Le nom du site est donc venu naturellement. Après coup, j'en suis très heureuse puisque c'est aussi le nom d'une collection d'Actes Sud dans laquelle j'ai écrit. C'est un beau clin d'œil.

Qu'apporte ce nouveau canal ?

En ligne, on peut organiser une rencontre avec un auteur étranger animée par un libraire de Jérusalem, de Washington ou de Berlin. Le digital est aussi un merveilleux outil pour atteindre tous ces gens qui ne vont pas en librairie. Beaucoup de jeunes et de mères de famille nous suivent parce qu'ils installent leur téléphone dans leur cuisine ou dans leur chambre. C'est aussi vrai pour les auteurs. Nous en avons reçu certains qui n'auraient jamais eu accès aux librairies, tout comme certains libraires ont pu interviewer des écrivains qu'ils n'auraient jamais eus dans leur magasin. Cela leur a donné une visibilité que le système traditionnel ne leur autorise pas.

Le fait de se dérouler en numérique modifie-t-il la nature de la rencontre ?

Nous vivons très souvent des moments intimes et forts en émotions. Je pense que le dispositif favorise cela. Les auteurs nous reçoivent chez eux et restent en « tête à tête », en tout cas à l'écran, avec le libraire intervieweur. Ils se sentent particulièrement entendus et écoutés. En tout cas c'est ce qu'ils nous font savoir. Les questions posées sont également plus pointues. On a, par exemple, beaucoup parlé de la création et de ce que c'est d'être un écrivain, d'où cela vient.

Quel accueil avez-vous reçu des éditeurs ?

Globalement bon, même si les plus réactifs ont été les éditeurs de poche. Ils ont tout de suite compris le potentiel, notamment en termes de communication. En fait, cette aventure m'a fait prendre conscience du retard de la majorité des éditeurs par rapport au digital. Ils sous-estiment grandement l'efficacité et la puissance de cet outil. Certains refusent de payer le forfait de 300 euros que nous demandons mais d'autres ont bien compris que cette dépense pouvait se montrer plus rentable que, par exemple, engager des frais pour une tournée d'auteur. On en arrive ainsi à des paradoxes amusants. Chez nous, Marc Lévy a fait moins de vues que Vanessa Arcos, tout simplement parce que les éditeurs n'ont pas opté pour la même stratégie de communication.

Pourquoi vous êtes vous appuyée sur les libraires pour modérer les rencontres ?

Parce qu'ils ont moins d'ego et apportent énormément de contenu. Et qu'ils y gagnent en communication et en visibilité.

Alors que les rencontres en librairie reprennent, quelles perspectives se dessinent pour votre entreprise ?

C'est indéniablement plus dur d'obtenir les auteurs. Les éditeurs n'ont pas encore compris la complémentarité du numérique. Cette année écoulée nous a pourtant montré son efficacité redoutable. Il nous reste donc à les convaincre qu'on ne fait pas la même chose en rencontre physique et en digital mais que les deux sont désormais irremplaçables.

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