Avec sa carrure, on le verrait davantage en Ovalie. Mais c'est le ballon rond qui passionne ce médiéviste. Son patronyme résonne comme un nom de joueur du Benfica Lisbonne, mais il n'a rien à voir avec cet engouement. « Mon grand-père était portugais, mais depuis plus d'un siècle ma famille est briarde. »
C'est pourtant un peu plus haut, au Nord, qu'il s'établit après son Capes d'histoire-géo. À Roubaix, il enseigne au lycée Jean-Moulin, dans un quartier difficile, qu'il ne quitterait à aucun prix : « C'est mon bonheur d'enseigner ici, cela fait 23 ans. » Sur les murs de sa classe, quelques posters de joueurs de foot rappellent son appétence.
Supporter du Losc
C'est en assistant en 2011 à la soutenance de thèse d'un copain sur les notables de la ville de Douai au XVIIe siècle qu'il se dit : « Pourquoi pas moi ? » Ce supporter du Lille olympique sporting club, le fameux Losc, a entendu parler d'une thèse d'Olivier Chovaux sur le football dans le Pas-de-Calais. Ce dernier accepte de diriger la sienne sur les joueurs de l'équipe de France. Il en a étudié 861 depuis 1904, date du premier match de l'équipe de France contre la Belgique, pour ce travail prosopographique qui consiste à inventorier et à classer les personnes, démarche chère aux médiévistes.
« Je ne voyais pas pourquoi ma discipline ne s'intéresserait pas au sport. En tant qu'historien, on peut s'attaquer à tout. Nous avons les méthodes et les outils pour cela. » Sa recherche sera publiée en 2022 à Artois Presses Université : plus de 1 000 pages dont 350 de notes. « Il s'agissait de comprendre comment se construit une équipe, une élite sportive. » On retrouve cette démarche dans son étude très accessible sur Les Bleus et la Coupe, où il prend un réel plaisir à raconter des matchs. Avec un sens marqué du récit, il déroule les succès de l'équipe de France de football en Coupe du monde, qui lui ont permis de monter sur le podium, à la troisième place en 1958, en demi-finale en 1982, puis de décrocher le titre de champion du monde, en 1998 et en 2018.
« C'est un temps difficile à mettre en mots. Il y a le temps du match, puis le temps social, le temps économique. C'est un tout qu'il faut montrer pour sortir du présentisme du jeu. » Pour cela, il analyse la construction des équipes, les parcours des joueurs et des entraîneurs ainsi que l'environnement politique et médiatique des compétitions. Ses documents, ce sont les journaux, les retransmissions à la radio ou à la télévision, les archives de la Fédération française de football et les archives privées. Il est rare de trouver dans un travail universitaire les échanges entre Thierry Roland et Jean-Michel Larqué ou des analyses sur la tactique de Platini et Hidalgo.
« Il n'y avait pas le foot dans les Lieux de mémoires de Pierre Nora en 1984 tout comme il n'y a pas de thèses sur le foot dans les universités parisiennes. Mais c'est en train de changer. L'histoire du sport s'installe depuis quelques années. » François da Rocha Carneiro contribue à cette évolution. « Mes élèves me parlent plus du foot que je ne leur en parle. Mais par ce biais je peux leur montrer ce qu'est l'histoire avec un sujet qu'ils connaissent. Je peux aussi leur expliquer qu'il n'y a pas que les joueurs qui marquent qui sont intéressants. Aujourd'hui, on résume un match à ses buts, mais un match, c'est bien plus que cela. » Tout comme la pédagogie. Et sur ce terrain-là, la seule place qu'il apprécie, c'est bien celle de prof.
Les Bleus et la Coupe, 1958-1982-1998-2018
éditions du Détour
Tirage: NC
Prix: 2 500 ex.18.90 euros
ISBN: 9791097079512