Encres essentielles. François Cheng est l'incarnation même du mouvement souple du pinceau, du trait du calligraphe qui s'exécute par la grâce d'un geste qui n'est en vérité qu'un souffle, un « souffle-esprit » pour reprendre la formule du poète né en 1929 dans la province du Jiangxi et devenu académicien français. Le geste de ce quasi-centenaire est aujourd'hui plus lent comme il le raconte dans ce bref récit, Une nuit au cap de la Chèvre. Plus qu'une relation de voyage à la pointe de la presqu'île de Crozon, il s'agit d'une méditation sur les mystères de la vie et de la mort, sur la beauté du cosmos. L'écriture chez François Cheng n'est pas tant fixation que traduction - inlassable passage, sempiternelle translation entre deux cultures : la chinoise, celle de sa Chine natale, des classiques Tang ou Song, du peintre Chu Ta, et l'occidentale, celle de Dante, d'Hölderlin, de Rilke... Depuis la solitude nocturne de sa retraite finistérienne, l'auteur de Vide et plein revient dans ces pages sur son enfance bouleversée par une santé fragile et les cahots de l'histoire (la guerre sino-japonaise, l'exil des parents aux États-Unis), sur son choix de la France et de la langue française... Mais celui qui prit le prénom du Poverello d'Assise partage surtout ici, de manière ultime, c'est-à-dire essentielle, sa vision de la vie, tout entremêlée d'esprit du tao et d'amour christique : « Chaque être à l'instant de la mort ouvre un double espace à la fois vertical et horizontal. Son âme regagnant le giron de l'Être [...]. En même temps, il entre en communion définitive avec les êtres qui lui sont liés par l'amour ou l'amitié. »
Une nuit au cap de la Chèvre
Albin Michel
Tirage: 35 000 ex.
Prix: 12,90 € ; 75 p.
ISBN: 9782226500281