Portrait

François Angelier, « Georges Bernanos, la colère et la grâce » (Seuil) : L'érudit fantastique

François Angelier, photographié chez lui dans son futur bureau. - Photo Olivier Dion

François Angelier, « Georges Bernanos, la colère et la grâce » (Seuil) : L'érudit fantastique

Féru de SF et de mystique chrétienne, fan de Frank Zappa... le producteur radio de « Mauvais Genres » François Angelier signe une biographie de Georges Bernanos.

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Par Sean Rose
Créé le 08.09.2021 à 16h53

Une fois franchi le seuil de la maison parisienne Belle Époque dont François Angelier occupe la partie supérieure, point n'est besoin de chercher le nom ni l'étage. Dès l'escalier, des piles de livres s'amoncellent jusqu'à la porte du producteur de « Mauvais genres » sur France Culture... comme si, tel un Petit Poucet, il eût voulu nous indiquer le chemin. En lieu et place du petit héros des Contes de la mère l'Oye nous reçoit un homme à la stature imposante, jovial ogre d'érudition. Il s'excuse du désordre : il est en plein réaménagement de sa bibliothèque, qu'on qualifierait spontanément de babylonienne, au vu des ziggourats de bouquins au sol et autres rangées d'ouvrages tapissant les murs. Une pièce a été entièrement vidée « pour mon futur bureau », indique-t-il pas peu fier d'avoir réussi l'exercice d'ascèse livresque. Celui qui consacre chaque samedi soir une émission autour de la littérature dite de genre - polar, SF, fantastique - ou sur des expressions artistiques underground publie Georges Bernanos, la colère et la grâce, une biographie du grand écrivain catholique. Auteur de Journal d'un curé de campagne ou de Dialogues des carmélites, Bernanos est tout à la fois le royaliste rallié à la résistance antifasciste, le Don Quichotte anti-technologie sur son éternelle moto, l'honnête homme intempestif préférant l'intégrité en exil au confort de l'entre-soi des salons.

Et l'animateur de « Mauvais genres » dans tout ça ? Aucune contradiction pour ce fan de Frank Zappa à aimer l'esthétique des bas-fonds et les hauteurs de la spiritualité chrétienne : c'est un vertige à double hélice. Le milieu où il naît est français de vieille souche, « d'un catholicisme ouvert, tendance sociale ».« "Angelier" désigne celui qui sonne la cloche, l'angélus, » explique-t-il. Outre la bibliophilie de son père fonctionnaire préfectoral qui « s'est inventé en totalité et vivait dans les livres, avec les livres et pour les livres », il hérite de sa « bipolarité intellectuelle » : « d'un côté, c'était un bourgeois de province d'apparence classique et, de l'autre, il cultivait un jardin secret, complètement décalé, peuplé de surréalistes et de dadas. ». François Angelier ne fait pas bourgeois mais pas rebelle non plus. La vraie singularité n'a que faire d'une mise excentrique.

La collection « Marabout fantastique » le révèle à la lecture, sinon à l'école c'est « un élève très banal, ni bon ni mauvais », qui suit un cursus littéraire lambda : classe prépa, fac de lettres. Le déclic a lieu quand la littérature s'incarnera sur les planches. Il intègre la compagnie d'Anne Delbée. Il joue Claudel, Racine. Un ami de la femme de théâtre le remarque lors d'un spectacle. Il s'appelle Jean Lebrun, il est à l'époque en charge du service culturel à La Croix avant de devenir un pilier de France Culture, où il proposera à François Angelier de rejoindre son équipe. Entre-temps il y avait eu une émission dédiée à Lovecraft, réalisée sur les mêmes ondes, et un bref passage à la télévision. Il tenait le rôle de grand prêtre du dictionnaire, dans un quiz télévisé qui s'était assez vite arrêté. Plus catholique que cathodique, Angelier : à rebours des effets de mode mais toujours animé d'une insatiable curiosité des choses du monde, ou plutôt des mondes, d'un monde au-delà du monde. Le fantastique et la mystique- il y a des ponts.
 

François Angelier
Georges Bernanos, la colère et la grâce
Seuil
Tirage: 3 500 EX
Prix: 25 € ; 576 p.
ISBN: 9782021370270

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