Francis Esménard est P-DG d’Albin Michel.
Le conflit qui oppose à Amazon Hachette Book Group aux Etats-Unis et Bonnier en Allemagne est-il un conflit commercial ou bien met-il en jeu l’avenir de l’édition ?
La prise de position des auteurs américains et allemands est salutaire et la France ferait bien de s’en inspirer. Amazon a une volonté hégémonique totale. Il veut tout imposer et vise à la disparition des éditeurs et à la disparition des libraires. Son appel au public, en réponse aux pétitions, est démagogique et mensonger. Amazon dit aux auteurs qu’ils auront 70 % de droits d’auteur, mais il met les ouvrages en ligne tels qu’ils sont sans travail d’édition ou de correction, sans promotion non plus. D’ailleurs, quand par hasard un auteur sort du lot, il n’a rien de plus pressé que de rechercher un éditeur traditionnel.
Que répondez-vous à leur argument d’amener de nouveaux lecteurs à la lecture ?
Avec des livres aux prix bradés on peut certainement toucher des lecteurs. Mais surtout, je leur répondrais qu’ils ont déjà tué beaucoup de lecteurs en tuant les librairies de proximité. On voit ce qui se passe aux Etats-Unis. C’est la même chose lorsqu’ils se permettent de boycotter les livres des éditeurs qui ne se plient pas à leurs injonctions. Ce sont des méthodes de forban.
Que doivent faire les éditeurs français ?
Il faut être très vigilant. Je pense notamment au trafic entre les livres neufs et les livres d’occasion. C’est là-dessus qu’il faut se battre. Et ne pas céder sur les remises. Propos recueillis par C. F.