En France, la création littéraire originale a encore une longueur d'avance sur la plupart des pays européens : les traductions, même celles des fictions, demeurent minoritaires. Un rapide coup d'oeil aux meilleures ventes allemandes que nous publions dans ce numéro montre que huit romans parmi les dix mieux classés de la dernière semaine de mars sont des traductions (dont le dernier livre de la Française Fred Vargas). Chez nous, on ne trouve que quatre traductions parmi les dix meilleures ventes de la semaine...
Pourtant, la part des ouvrages étrangers dans la production éditoriale hexagonale ne cesse de progresser dans tous les secteurs, année après année, comme nous le mettons en évidence dans notre "Evénement". En 2011, le nombre de livres traduits s'est accru de 8,7 %, et désormais une nouveauté sur six est une traduction. Plus inquiétante pour la diversité de la production, la domination de l'anglais s'affirme : c'est la langue d'origine de six traductions sur dix, une proportion qui atteint même neuf sur dix en littérature fantastique et en SF, ainsi que dans le domaine du développement personnel ou... de l'économie financière.
Economiquement, pourtant, les traductions ne sont pas forcément une affaire pour l'éditeur, compte tenu de leur coût et, en littérature en tout cas, de l'inflation des droits réclamés par les agents. Mais outre l'ouverture sur le monde qu'elles apportent, plus prosaïquement, elles permettent d'alimenter rapidement les catalogues. Elles présentent surtout l'avantage, dans une période peu porteuse, d'accroître la mise sur le marché d'ouvrages signés de noms connus.
Si l'auteur n'est pas suffisamment renommé, on fait signer la traduction par un écrivain français qui est, lui, célèbre. Après Mathias Enard ou Anna Gavalda, Virginie Despentes et Marie Darrieussecq publient des traductions à la rentrée prochaine. Faut-il y voir le retour d'une tradition qui permettait à Baudelaire de faire découvrir Edgar Allan Poe aux Français ou une simple stratégie marketing ?
La traduction, en tout cas, a le vent en poupe. Le Centre national du livre vient d'annoncer la création de sa propre "école" de traduction littéraire, réservée aux jeunes traducteurs ayant déjà une première oeuvre publiée à leur actif. Le premier cours commence ce samedi 7 avril.