20 août > Roman France

Pari difficile que de livrer, resserrée dans un court roman, ce qu’il y a d’universel dans l’expérience féminine de l’affranchissement de la famille. C’est cependant celui que se lance Kaoutar Harchi avec A l’origine notre père obscur, trois ans après le remarqué L’ampleur du saccage. De ce dernier, on retrouve le questionnement sur les générations et leurs lourds secrets, la violence des rapports entre hommes et femmes. La narratrice de A l’origine notre père obscur est née entre les hauts murs de la "maison des femmes", lieu où vivent en recluses, quelque part sur la planète, les femmes convaincues d’adultère. Se heurtant inlassablement au secret que sa mère garde sur ses origines, l’enfant devenue adolescente finit, dans le deuil, par trouver le courage de pousser la lourde porte, puisqu’elle est innocente, et d’aller affronter son père et sa famille inconnue. Mais d’autres terribles secrets l’attendent.

D’une écriture sensuelle, parfois heurtée et parfois proche de l’élégie, A l’origine notre père obscur tire sa force de son ambition : réussir à exprimer les sentiments et sensations d’une fille devenant femme, dont le corps est dépositaire de violences inconnues. Ce substrat tragique, revendiqué par l’auteure, porte la narration jusqu’au bout. Le rythme de celle-ci, parfois déconcertant, tend à faire de cette quête des origines un spectacle universel, comme le suggèrent aussi les exergues de chaque chapitre, principalement tirés de la Genèse. Mais cette ambition totalisante en constitue à la fois la limite, en ce qu’elle met par moments l’équilibre interne du roman en danger, lui refusant tout ancrage dans une époque ou un monde particuliers. Restent les mots, tendus à se rompre pour comprendre le mystère éternel des générations et de leur violence. Ce qui est déjà énorme.

Fanny Taillandier

Les dernières
actualités