Trois scandaleuses vérités. Mor et Ronen Amirov s'aiment. Ils sont jeunes, viennent de se marier et passent leur voyage de noces en Bolivie. Durant leur séjour, ils font la connaissance d'Omri, un compatriote israélien qui approche de la quarantaine et essaie d'oublier au pied de la cordillère des Andes son récent divorce et combien sa petite fille lui manque. Le jour de leur rencontre, Mor s'arrange pour lui faire comprendre que les choses dans son jeune couple sont moins idylliques qu'il n'y paraît. Et quelques jours plus tard, Ronen est victime d'un accident fatal lors d'une randonnée à vélo le long d'une route justement surnommée « de la mort »... De retour en Israël, Mor va se rapprocher d'Omri. Ce qui, bien entendu, n'ira pas sans susciter toutes sortes de suspicions.

Dans un hôpital de Tel-Aviv, le docteur Caro, sexagénaire, veuf depuis peu, est un chef de service respecté de tous, patients, collègues, infirmières. Il vit simplement, solitaire, entre sonates de Schubert ou vieux albums de King Crimson et le souvenir de son épouse disparue. C'est presque déjà un vieil homme et ça lui va très bien. Jusqu'à ce qu'apparaisse dans sa vie Liat, une jeune interne. Il est troublé non seulement par sa beauté, mais aussi par tout ce qu'ils partagent malgré les générations qui les séparent : le goût de la solitude, de la musique, de la médecine... L'éminent professeur ne sait pas faire la part de ce qui relèverait d'une fascination amoureuse ou d'un désir paternel de protéger et guider la jeune femme. Les événements, qui vont se précipiter, se chargeront de lui amener une réponse.

Chaque samedi matin, un homme et une femme, mariés, ont pris pour habitude de se promener dans un vaste verger à la périphérie de leur ville. Un jour, lors d'une de ces promenades, l'homme y pénètre sans attendre sa femme. Nul ne le reverra plus. Son épouse − qui se demande si une infidélité ne pourrait être la cause de cette disparition − et ses enfants vont le chercher partout, tout le temps, bien après que la police a arrêté ses investigations. L'homme reste introuvable, mais les indices, s'il y en a, sont quelque part dans la mémoire de ceux qui l'ont aimé.

Ces trois récits, en réalité trois novellas qui se répondent l'une l'autre en des harmoniques infiniment subtiles, composent la trame de Turbulences, le septième roman d'Eshkol Nevo. Nevo est sans doute, avec Zeruya Shalev, le chef de file d'une génération d'écrivains israéliens qui s'y entendent à merveille pour tisser étroitement les liens de l'intimité (amoureuse, morale, politique) avec ceux de l'interrogation identitaire qui fonde aussi leur pays. Ici, sa leçon est particulièrement éblouissante. On retrouve tous les grands thèmes, les climats, qui innervent son œuvre (le couple, la trahison, les faux-semblants du réel). L'ironie est presque présente à chaque page, comme l'angoisse. Alors, c'est un thriller ? Oui, aussi.