Est-on plus heureux aujourd'hui qu'hier ? Pour répondre à la question, il faudrait savoir ce qu'était le bonheur dans le passé. C'est à cela que se sont attelé les soixante spécialistes réunis par François Durpaire pour cette Histoire mondiale du bonheur.

De la préhistoire - la notion de bonheur est peut-être dans l'art pariétal, nous dit Jean-Paul Demoule - à nos jours, où l'on parle de « marchandises émotionnelles », l'ouvrage circule dans les disciplines et les continents. Anne Cheng décrit la philologie du bonheur en Chine ancienne et l'on apprend qu'il y a trente-deux vocables pour le dire en sanskrit.

Les articles indiquent le poids des religions dans la mesure du bonheur qui se confond avec le salut jusqu'à ce que Saint-Just annonce devant la Convention nationale que la République en faisait « une idée neuve ». En 1793, le premier article de la Constitution de l'an I indique : « Le but de la société est le bonheur commun. » On comprend que le bonheur est un droit, exigible maintenant et que la liberté s'impose comme son cadre politique. L'idée a été reprise par tous les utopistes pour finir dans l'escarcelle des commerciaux qui la vendent à l'envi sous la forme d'activités, de films, de livres ou d'applications pour améliorer le potentiel de joie de chacun. Dans les années 1970 le Bouthan a remplacé le PIB par le « bonheur national brut » et il existe dans les entreprises des postes de « chief happiness officer » pour concilier bonheur avec labeur. Enfin, depuis les années 1980, une « science du bonheur » a été développée par le sociologue néerlandais Ruut Veenhoven.

À la fois chronologique et thématique, l'ouvrage offre de nombreux outils pour circonscrire une notion assez floue qui a fini par être identifiée au bien-être. Pourtant Françoise Durpaire distingue la manière d'aborder le bonheur selon les civilisations et les époques. En Asie, le bonheur est identifié à la sagesse, en Europe au plaisir, en Afrique au partage, en Amérique à l'harmonie et en Océanie au rêve. Du bonheur idéalisé au bonheur monétisé, on s'aperçoit qu'il en est comme le ressenti en météo : une impression d'équilibre intérieur.