Adachi Hirotaka, alias Otsuichi, né en 1978, scénariste, réalisateur, est l’un des jeunes écrivains japonais les plus en vogue. Plusieurs de ses œuvres ont été adaptées au cinéma ou en manga. Quant à ses romans, ils se divisent en "noirs", pour les plus glauques, et en "blancs", plus psychologiques. En dépit de son titre français, bien que Philippe Picquier l’ait glissé dans sa collection "L’Asie en noir" et que l’héroïne en soit une aveugle, Rendez-vous dans le noir appartient à la veine "blanche" d’Otsuichi.
Michiru, donc, une jeune Japonaise, est devenue aveugle à l’âge de 3 ans suite à un accident. Pas totalement : elle peut distinguer de très vagues ombres, silhouettes, lueurs. Depuis la mort de son père, elle vit seule et quasi recluse dans sa maison, juste en face d’une gare de banlieue. Lorsqu’elle sort en ville, rarement, pour faire des courses ou dîner au restaurant - récemment, l’italien où travaille comme serveuse Harumi, avec qui elle a sympathisé -, c’est toujours en compagnie de Kazue, sa seule amie, qui lui sert de guide.
Un jour, le 10 décembre, elle apprend que sur le quai de la gare, qu’elle pourrait voir de ses fenêtres, un meurtre vient d’être commis. Un homme, Matsunaga, contremaître dans une imprimerie, a été poussé sous les roues d’un train. La police, qui vient sonner à sa porte, recherche le coupable présumé, un certain Akihiro, solitaire et asocial, ouvrier dans la même imprimerie que la victime, qui a fait de lui son souffre-douleur. Un collègue aurait même entendu Akihiro proférer des menaces de mort contre Matsunaga.
Soudainement, et petit à petit, Michiru ressent comme une présence chez elle. De vagues frôlements, des denrées qui disparaissent, des objets qui ne sont plus exactement à leur place. Elle finit par comprendre qu’Akihiro, profitant d’un moment où elle avait ouvert sa porte sans méfiance, s’est réfugié chez elle et s’y dissimule. Problème : si c’est un assassin, se trouve-t-elle en danger ? Doit-elle en parler à Kazue, aller trouver la police ? En attendant qu’elle se décide, se met en place un jeu de cache-cache troublant, qui constitue le meilleur du roman. La jeune fille sait qu’il y a quelqu’un chez elle. Et lui sait qu’elle sait. Une relation sans paroles va se nouer, puis, à la faveur d’une sortie commune, ils vont finir par se parler. Bientôt convaincue de l’innocence de son nouvel ami, Michiru va mener, à sa façon, son enquête, et démasquer le véritable assassin.
On n’en dira pas plus, bien sûr, pour préserver le suspense psychologique imaginé par Otsuichi, avec une grande économie de moyens et une belle maîtrise technique. Ses scènes de huis clos dans la maison sont dignes d’un film d’Hitchcock.
Jean-Claude Perrier