LIBAN
Joy Majdalani (« aucun lien avec Charif, précise-t-elle d'emblée, mais j'adore ses livres ») est née dans une famille orthodoxe « atypique ». Elle porte le nom de sa mère, professeur d'université, divorcée. Dans sa jeunesse, le Liban était « le pays qu'[elle avait] toujours voulu fuir », et Paris « la ville vers où il fallait tendre ». Un mouvement de balancier complexe : « Je ne me suis jamais sentie aussi libanaise qu'en France ! » Mais aujourd'hui qu'elle est mariée, son rapport avec cette société libanaise « corsetée [...] a changé », avoue-t-elle.
SCANDALE ?
Le moins que l'on puisse dire, c'est que son premier roman, Le goût des garçons, était assez décoiffant. Une jeune fille libanaise de bonne famille ne devrait pas écrire ça... Mais le livre a été diffusé au Liban et chroniqué dans L'Orient Littéraire. « Preuve que la censure ne fait pas bien son travail ! », s'amuse Joy Majdalani. Cela dit, ce n'était pas vraiment une autobiographie, même si ses anciennes copines de lycée ont bien aimé. « Je voudrais que mon livre soit détaché de la vie réelle », dit-elle.
LITTÉRATURE
Pour elle, dès sa prépa littéraire, cela ne faisait aucun doute, elle serait écrivain. « À 14 ans, j'ai lu Proust, un peu par pose, explique-t-elle. J'y ai découvert la jalousie. Et puis Stendhal, pour ses personnages féminins, comme Clélia, dans La chartreuse de Parme. » Elle s'est ensuite lancée dans l'écriture de nouvelles. La première, « Vieille fille », a été publiée dans le recueil du Prix du jeune écrivain de langue française, chez Buchet-Chastel. « C'était un peu une caricature des "vieilles tantes d'Achrafieh", la bonne bourgeoisie beyrouthine traditionnelle. » Ensuite, « On The Rocks », parue dans la revue Le Courage, mettait en scène un couple libanais mixte, elle chrétienne, lui musulman, de retour au pays. « Compliqué », forcément.
JALOUSIE
« J'ai voulu écrire sur ce sentiment, cette passion "honteuse", pas très glamour. Un sentiment archaïque, l'angoisse métaphysique d'être exclu de la compagnie de ceux qu'on aime. Un sentiment universel. » Joy Majdalani semble très bien connaître son sujet : « J'ai moi-même été terriblement jalouse, confie-t-elle, alors que mon mari, un Napolitain, ne l'est pas du tout ! Mais, même si je ne crois pas à la vertu cathartique de la littérature, je suis beaucoup moins jalouse depuis que j'ai écrit Jessica seule dans une chambre. » On la croit sur parole.
POP
Au départ, Joy Majdalani, qui écrit en musique, adore le rock « sérieux » des années 1960-1970 : Bob Dylan et Leonard Cohen, « ces deux génies indépassables, mes fondations », Led Zep ou les Doors. Mais depuis quelque temps, son goût a évolué et elle s'en amuse. « J'avais meilleur goût quand j'étais plus jeune ! Là, je me suis prise de passion pour la culture "de masse". J'ai écrit mon livre en écoutant Lana Del Rey. J'aime aussi Taylor Swift, ou Chappell Roan, une nouvelle chanteuse queer du Missouri. La musique est le principal médium d'expression de la subjectivité des jeunes femmes d'aujourd'hui », conclut-elle.
Jessica seule dans une chambre
Grasset
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 19 € ; 240 p.
ISBN: 9782246832928