Côté jeunesse, l'édition accessible s'est considérablement enrichie ces dernières années. « Les grandes maisons ont lancé leurs collections adaptées autour de 2016-2019. Pour les adultes en revanche, il y a encore très peu de choses », cadre Virginie Brivady, chargée de projet Lecture et formatrice Édition jeunesse accessible (EJA) au sein de l'association Signes de sens. « Livres syllabés, audio, tactiles, en gros caractères, en braille, en Falc (Facile à lire et à comprendre)... Les adaptations sont variées, mais cela reste très réduit par rapport à ce qui existe en production classique, observe-t-elle. D'autant que, parmi les grandes maisons qui avaient lancé des livres pour les dys, certaines ont arrêté leur production ou n'ont pas forcément renouvelé leurs titres. »
Grandes maisons et coéditions
C'est le cas de la collection « Colibri », créée par Belin dès 2016 afin de proposer des livres sur-mesure pour les enfants dys. Faisant appel à des auteurs jeunesse de renom (Timothée de Fombelle, Mymi Doinet, Olivier Muller...), « Colibri » compte une quinzaine de titres répartis sur cinq niveaux de lecture. « La collection a bien grandi au début mais l'objectif était que chaque titre puisse traiter une correspondance graphème/phonème fréquente, ce qu'on a atteint aujourd'hui », indique Nolwenn Tisseau, responsable éditoriale chez Belin Éducation, qui s'attache à faire vivre le fonds.
Chez Nathan, le label Dyscool, lui, propose depuis 2019 des ouvrages jeunesse en version facilitée, notamment pour lecteurs et lectrices dys. Objectif : rendre les best-sellers jeunesse accessibles. « On propose d'ailleurs les mêmes couvertures, il y a simplement un petit sticker "Dyscool" qu'on peut retirer », expose Marine Vives, éditrice chez Nathan.
Entre quatre et cinq titres paraissent ainsi chaque année en interne et en coédition avec d'autres maisons, comme Pocket Jeunesse, Hachette, Sarbacane, ou encore Syros, qui ont toutes fait confiance au label. « C'est le même texte qui n'est pas modifié, pas réédité, pas coupé, mais aménagé au niveau de la maquette avec une typo adaptée pour les dys, un interlignage plus important, des illustrations séparées du texte, un système de découpage syllabique, des notes de bas de page pour expliquer les expressions implicites ou les mots compliqués, le tout réfléchi avec des experts et des orthophonistes », détaille Marine Vives.
D'autres maisons ont aussi des collections accessibles. Rageot a créé sa collection de romans courts « Flash fiction », Benjamins Media propose des Livres-CD, des transcriptions braille et gros caractères, certaines versions en LSF, La Plume de l'Argilète présente une offre de lecture en braille, livres dys... Ou encore Bel et bien, qui présente une mise en page adaptée.
Un combat politique
Formé en janvier 2023, le collectif des Éditeurs Atypiques réunit quant à lui dix maisons indépendantes. Parmi elles, plusieurs s'adressent aux enfants dyslexiques, à l'instar de La poule qui pond, Tom Pousse ou encore Adabam. Également membres du collectif, Lescalire a développé un concept original d'albums écrits en pictogrammes soulignés du texte correspondant, quand À vue d'œil et Voir de Près éditent des livres en grands caractères.
Créée en 1994, Les Doigts Qui Rêvent conçoit, fabrique et diffuse le plus large choix de livres tactiles illustrés en France, adaptés aux enfants aveugles et malvoyants, tout comme les albums jeunesse tactiles de l'association Mes Mains en Or. On peut encore citer Kiléma Éditions, dédiée au Falc, avec un catalogue de 26 titres (romans jeunesse, adulte, et théâtre). « Le Falc est une traduction à part entière. Il retranscrit un langage classique en langage simplifié, plus accessible », explique Cécile Arnoult, qui a fondé Kiléma éditions, en 2022.
« Nous menons aussi des actions politiques afin que l'édition adaptée soit reconnue par les institutions comme quelque chose de nécessaire, qu'elle bénéficie d'aides, du CNL par exemple », signale Sylvie Sternis, secrétaire du collectif des Éditeurs Atypiques et directrice de Lescalire. « Nous aimerions aussi monter un salon du livre adapté en 2026, mais il faut qu'on ait des financements », poursuit-elle. Le collectif participe par ailleurs aux travaux pour la mise en place du Portail numérique national de l'édition adaptée et accessible, qui proposera des livres aux personnes empêchées de lire en raison d'un handicap. Missionnée par le Comité interministériel du handicap, la BnF doit le développer d'ici 2027.