PROCÈS

DSK diffamé dans "La ballade de Rikers Island" : 15 000 euros de dommages-intérêts

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DSK diffamé dans "La ballade de Rikers Island" : 15 000 euros de dommages-intérêts

Dans un roman publié en 2014, Régis Jauffret mettait en scène le fait divers qui a stoppé la carrière politique de Dominique Strauss-Kahn, accusé du viol d'une femme de ménage à New-York.

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Par Hervé Hugueny
Créé le 02.06.2016 à 19h13 ,
Mis à jour le 03.06.2016 à 15h00

Dans un jugement rendu le 2 juin, le tribunal correctionnel de Paris a condamné Régis Jauffret, auteur de La ballade de Rikers island, roman publié au Seuil en 2014, à 1 500 euros d'amende avec sursis et 15 000 euros de dommages-intérêts pour diffamation, à régler à Dominique Strauss-Kahn, qui se voit aussi octroyer 4 000 euros pour frais de procédure.
 
Le tribunal a également interdit "toute nouvelle édition, diffusion et commercialisation de l'ouvrage". Le livre s'est vendu à 12 100 exemplaires en grand format et à 3 700 exemplaires en poche selon GFK. Il est toujours disponible dans ces deux versions. Le Seuil est en revanche mis hors de cause en raison d'un défaut de procédure dans la délivrance de la citation à comparaître, qui n'avait pas été remise personnellement à son président, Olivier Bétourné.
 
L'écrivain s'inspirait ouvertement du fait divers survenu en 2011 à New-York, où Dominique Strauss-Kahn, alors directeur général du FMI, avait été accusé du viol d'une femme de chambre, et arrêté. La justice américaine avait finalement abandonné les poursuites, et Dominique Strauss-Kahn avait obtenu le désistement de la plaignante au civil, à la suite d'une transaction.

Sept passages diffamatoires
 
L'affaire avait eu un retentissement mondial et stoppé net la carrière de l'homme politique, auparavant donné comme grand favori de l'élection présidentielle à venir en France, en 2012. Les sept passages poursuivis ont été reconnus comme diffamatoires (10 000 euros), de même que les propos (5 000 euros) tenus par l'écrivain sur France Inter, le jour de la publication de l'ouvrage.
 
Me Henri Leclerc, avocat de Dominique Strauss-Kahn, a retenu les passages qui évoquaient crûment un viol commis par son client, alors que la justice américaine a abandonné les poursuites à son encontre.
 
Mes Dominique Amblard et Christophe Bigot, défenseurs du Seuil et de Régis Jauffret, ont invoqué la liberté de création liée à l'œuvre romanesque, et la bonne foi, relevant plus de l'argument utilisé pour les essais et documents.
 
"Il ne saurait suffire, pour prétendre échapper à toute condamnation, de s'abriter sous la qualification expresse de "roman", et "il ne saurait davantage être soutenu qu'il existerait une immunité absolue du créateur, lequel (...) jouirait de la liberté la plus totale, y compris au détriment des personnes s'estimant gravement atteintes en leur vie privée ou leur honneur et considération, et tout aussi légitimes à faire valoir leurs droits", souligne le jugement.

Appel pas encore décidé
 
Même si le nom de l'ancien directeur du FMI n'est jamais cité, contrairement à celui de la femme de chambre, le jugement retient que "l’intégralité du livre se nourrit pour grande partie de détails précis, nullement inventés, mais tirés de la vie même de Dominique Strauss-Kahn". D'autre part, l'auteur ne peut prétendre bénéficier de la bonne foi "en raison de son manque absolu de prudence dans l'expression". Ce critère de bonne foi, qui doit s'appuyer sur la présentation de faits précis pour être retenu, est par ailleurs "antinomique" dans la défense d'une œuvre artistique qui peut s'affranchir de la réalité, fait également remarquer le jugement.
 
Contacté le 2 juin dans l'après midi, Me Bigot ne s'était pas encore entretenu avec son client à propos d'un éventuel appel de la décision.
 

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