La Cour fédérale du Mississippi vient d'être saisie par les ayants-droits de William Faulkner qui estiment abusive la citation faite par Woddy Allen dans Minuit à Paris  : «  Le passé n'est pas mort !  De toute façon, ce n'est même pas le passé. Vous savez qui a dit ça ? Faulkner  ». (lire notre actualité ) La phrase tirée de Requiem pour une nonne est certes légèrement malmenée [1] . Mais le droit de citation - ou plutôt sa forme américaine appelée Fair Use - est invoqué en défense. En France, l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) énumère bel et bien, au rang des exceptions au strict régime des droits patrimoniaux, les « citations» et autres « analyses, justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées ». La première condition exprimée par le CPI concerne donc le but particulier que la citation cherche à atteindre : critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information. En ce sens, le droit de citation reste donc très large. Mais la citation doit surtout être « courte ». Cette brièveté s'apprécie non seulement par rapport à l'œuvre de départ (il ne faut pas reproduire une part trop importante de l'œuvre citée) mais aussi par rapport à l'œuvre d'arrivée (il n'est pas possible de ne constituer son ouvrage que de citations). C'est ainsi qu'une trentaine de citations rassemblées dans une plaquette seront considérées comme une contrefaçon, alors que les mêmes citations intégrées à une étude de deux cents pages bénéficieront de l'exception légale. Le critère dominant reste celui de la concurrence entre l'œuvre qui cite et l'œuvre citée. La première ne doit en aucun cas pouvoir se substituer à la seconde. Il n'est donc pas possible, par exemple, de citer deux vers complets d'un haïku ou, a fortiori , de faire un haïku de trois lignes extraites d'un roman. Et il n'existe pas de barème précis permettant de déterminer à coup sûr ce qui relève du droit de citation et ce qui appartient à la contrefaçon. L'exception de citation nécessite de remplir une autre condition, d'ailleurs sous-jacente dans la loi puisqu'il s'agit du respect du droit moral de l'auteur. Lorsqu'on utilise une citation, il est en effet nécessaire de respecter l'esprit de l'œuvre dont elle est tirée, mais également sa forme, etc. Il est bien évident que seules les véritables dénaturations sont répréhensibles, c'est-à-dire celles qui ont tendance à donner une vision fausse de l'œuvre citée. De même, le citateur ne doit pas oublier de mentionner sa source - il s'agit là expressément d'une obligation légale, qui découle par surcroît du droit au respect au nom de l'auteur de l'œuvre citée. Cette règle s'applique également au nom du traducteur. Il est théoriquement interdit de citer un document inédit sans autorisation, puisque le droit de divulgation appartient à l'auteur ou, en cas de décès, au titulaire des droits moraux. C'est là une règle fort peu respectée en pratique, et les auteurs profitent souvent du caractère inédit du document pour en citer une longueur relativement démesurée, qu'ils font passer pour de très courts fragments... aux yeux des titulaires des droits moraux. De même, il ne faut pas croire que l'auteur qui fait circuler quelques exemplaires de son texte entend véritablement le divulguer. [1] La phrase exacte est : « Le passé n'est jamais mort, il n'est même pas passé ».
15.10 2013

Les dernières
actualités