"Suave Selena, raconte-toi sous un spotlight. Tu es celle que tu es, Sirena Selena… et tu sors de la lune de papier, dans ta robe de chagrin, devant un cortège d’adorateurs." Dès les premières pages, des notes mélodieuses sourdent sous la plume de Mayra Santos-Febres. Cette poétesse, romancière, nouvelliste, professeure de littérature à l’université de Porto Rico, est traduite pour la première fois en France. Une découverte aussi surprenante que son héroïne, sorte de Dalida sud-américaine.
Sirena Selena est célèbre pour sa voix d’une incroyable pureté. A la fois colorée et désespérée, elle fait vibrer les boléros que lui chantait sa grand-mère. Comme s’ils pouvaient apaiser "la douleur enfouie" d’une enfance écorchée par l’abandon maternel. Sirena aspire à devenir "une femme distinguée", mais elle est née dans un corps d’homme. La chirurgie a un prix, alors jusqu’où est-elle prête à aller pour contrer "la main du Seigneur" ? Comment le petit Leocadio s’est-il transformé en diva des quartiers gays ?
Tel un personnage d’Almodovar, Sirena a connu la gloire, la coke et les trottoirs. La violence, l’extrême pauvreté et la prostitution ne l’empêchent pas d’avoir des rêves et des paillettes plein les yeux. D’autant qu’elle a la chance d’être protégée par de bonnes fées. A savoir plusieurs figures maternantes, tendrement extravagantes, et un homme aimant. Ici, on ne bascule jamais dans le sordide. Les peaux sont "cannelle" et les yeux "couleur miel", mais les coups du sort obligent les protagonistes à survivre avec le sourire. "Il y a bien des façons d’être un homme, d’être une femme, à chaque personne de décider." K. E.