"Etre moderne, c’est simple, c’est suivre Jésus et faire du business." L’homme qui s’exprime devant Maurice Godelier n’est ni un télévangéliste américain, ni un candidat à l’élection présidentielle française, mais un Baruya de Papouasie-Nouvelle-Guinée. En 1950, cette société tribale utilisait des outils de pierre. Vingt-cinq ans plus tard, chaque membre devenait citoyen d’un Etat démocratique et libéral siégeant à l’Onu. A l’ethnologue il explique que les Baruya sont passés du néolithique à la modernité sans trop de casse en préservant leur mode de reproduction sociale.
A partir d’une étude rédigée en 1987, reprise et complétée par le travail de jeunes collègues, Maurice Godelier explique les mécanismes d’une société tribale aux prises avec les réalités de la mondialisation. Pour les Baruya, le business n’est pas le profit, mais l’argent pour acheter l’indispensable et faire face à la disparition des formes d’entraide traditionnelle.
Né en 1934, Maurice Godelier est une figure majeure de l’anthropologie française. Médaille d’or du CNRS, auteur d’ouvrages de référence comme L’énigme du don (Flammarion/"Champs essai", 2008) ou des Métamorphoses de la parenté (Flammarion/"Champs essai", 2010), il a consacré à Claude Lévi-Strauss, dont il fut le maître-assistant, une analyse critique (Seuil, 2013).
Dans cet essai agrémenté de photographies, il met en évidence le couple occidentalisation-résistance qui a permis tant bien que mal aux Baruya de préserver leurs coutumes. Elles demeurent leurs meilleurs atouts pour affronter le présent et fabriquer un avenir. On peut y voir une certaine forme de sagesse. L. L.