Récits

Dorothy Allison, "Trash " (Cambourakis) : La force ne suffit pas

Dorothy avec une amie, 1974. - Photo © Dorothy Allison

Dorothy Allison, "Trash " (Cambourakis) : La force ne suffit pas

Paru aux États-Unis en 1988, ce recueil de courts récits de Dorothy Allison réunit dans une écriture endiablée réflexions politiques, souvenirs d'enfance, scènes torrides de sexe lesbien et expérience de la maladie. Tirage à 3000 exemplaires.

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Par Marie Fouquet,
Créé le 11.02.2022 à 19h00 ,
Mis à jour le 28.02.2022 à 16h20

« Déchets ». Telle est la première traduction du terme « trash ». « Ordure », « racaille », « cassos » en sont des synonymes. Un titre provocateur, sur un sous-titre un brin racoleur : Vilaines histoires & filles coriaces.

Une constante marque les livres de Dorothy Allison : ils sont tels des cris, l'expression d'une rage contre l'injustice sociale, l'hétéropatriarcat et les violences sexuelles. Son style cru traduit la dureté d'une existence pauvre, marginale, au sein d'une famille nombreuse et dysfonctionnelle. Son premier roman, L'histoire de Bone, inspiré de son vécu, déroulait le parcours d'une jeune fille abusée par son beau-père. Peau réunissait des essais politiques autour de l'inceste, de la pornographie, de la sexualité lesbienne, de l'engagement féministe et de l'écriture comme moyen d'expression des opprimés. Dans Deux ou trois choses dont je suis sûre, il était question d'hommages aux femmes de sa famille, rendues malades de devoir être forte, comme Dorothy Allison l'explicite aussi dans Trash : « J'ai pleuré parce que [...] il n'y avait pas de justice pour mes tantes ou pour ma maman. Parce que chacune d'entre elles, pour sauver sa propre vie, avait essayé d'être forte, était en réalité devenue aussi forte et déterminée que la vie le lui permettait. [...] Aucun.e d'entre nous n'avait jamais été capable de se pardonner le fait que ni nous ni elles n'étaient pas suffisamment fortes, que la force elle-même ne suffisait pas. »

Les nouvelles de Trash sont les témoignages d'une existence qu'on pourrait aujourd'hui qualifier de « transclasse » (sans entrer dans le stéréotype de l'ascension sociale). De l'environnement violent de l'enfance à une vie de jeune adulte baignée dans les études, les rencontres, la libre sexualité lesbienne.

On y lit surtout la nécessité vitale d'écrire, de mettre à distance ce qui advient pour pouvoir le supporter. « J'étais parfois tellement en colère que j'écrivais pour réfréner ma propre rage. [...] J'ai écrit pour libérer l'indignation et refuser l'humiliation, pour admettre la faute et pour rendre gloire aux gens que j'aimais et qui n'étaient jamais célébrés. [...] J'ai écrit pour me venger un peu et parfois pour préciser que je n'étais pas en train de me venger », écrivait Dorothy Allison en introduction d'une réédition de Trash aux États-Unis en 2002. « Je voulais parfois susciter du chagrin, parfois de la colère, presque toujours inciter à l'action, au changement. »

Dorothy Allison
Trash Traduit de l'anglais (États-Unis) par Noémie Grunenwald
Cambourakis
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 23 € ; 280 p.
ISBN: 9782366246377

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