13 septembre > Essai-Histoire de l’art France > Guillaume Cassegrain

Reprenant une conception courante à la Renaissance, l’artiste et théoricien maniériste milanais Giovanni Paolo Lomazzo (1538-1592) écrit dans son Idea del Tempio della pittura ["Idée du Temple de la peinture"] "que Dieu lui-même est le peintre du monde et que l’esprit pieux est né grâce aux images peintes par le fils de Seth", Enosh, l’un des patriarches dans la Genèse. C’est l’idée d’un lien "naturel" entre image et dévotion. Car depuis l’Antiquité la vue est considérée parmi les cinq sens comme le sens privilégié, donnant un accès direct à l’intelligence des choses. Au XVe siècle en Italie, l’œil voit et donne à voir - enseigne. Si les humanistes du Quattrocento, avec en tête Alberti et ses théories sur la perspective, introduisent du "réalisme" dans l’espace pictural, ils sont loin d’avoir renoncé à peindre le surnaturel dans leurs tableaux.

Guillaume Cassegrain, dans Représenter la vision : figurations des apparitions miraculeuses dans la peinture italienne de la Renaissance, renouvelle une certaine approche iconographique de l’histoire de l’art en montrant comment ces visions révèlent tous les enjeux théologiques, philosophiques et politiques de cette époque, et notamment du XVIe siècle. Il s'agit d’une nouvelle histoire du regard dans le temps long.

Episodes de l’Ancien Testament ou de l’Evangile, telle l’annonciation faite à Marie par l’archange Gabriel ou encore la Transfiguration du Christ, faits et gestes des saintes et des saintsComment les représenter ? De Giotto à Raphaël en passant par Véronèse ou le Tintoret, tant de chefs-d’œuvre attestent une véritable syntaxe visionnaire d’une riche inventivité. Nuage enveloppant l’épiphanie, rupture de plan entre espaces profane (en bas) et sacré (en haut), lecture de l’image à rebours (de droite à gauche), utilisation d’une fenêtre pour introduire le sacré… Il y a un va-et-vient permanent entre une immanence de l’image et un au-delà de ce qui est figuré : "le regard ouvre toujours sur un visible maintenu invisible". S. J. R.

Les dernières
actualités