Johan Badour est à l’université lorsqu’il décide de lancer sa maison d’édition en 2016. « Je n’ai pas été formé à cette profession, je prenais des cours du soir de la mairie de Paris », confie ce dernier à Livres Hebdo. À 22 ans, l’étudiant en sciences sociales se lance avec 5 000 euros en poche. Une somme tout juste suffisante à la publication de ses deux premiers ouvrages : Misère de la politique de Jérôme Baschet, Oreste Scalzone, Léon de Mattis et Clément Homs, et Les chemins du communisme libertaire en Espagne de Myrtille. Les deux titres se vendent, c’est une victoire pour la toute jeune maison Divergences. Deux titres contre douze parutions par an aujourd'hui.
Diffusées par Hobo diffusion depuis leurs débuts, les éditions Divergences trouvent vite leur public et diversifient les essais. Avec une ligne éditoriale assumée, la maison questionne l'économie, le genre, la police, livrant des ouvrages politiques ancrés dans ses préoccupations contemporaines. En deux à trois ans, les éditions se professionnalisent et s'offrent une nouvelle identité visuelle. L’arrivée dans l’équipe d’une première graphiste, Morgane Mausse, marque un tournant. Une nouvelle maquette pop, colorée et facilement identifiable devient la marque de fabrique de la maison. L’équipe se compose désormais de cinq personnes pour deux éditeurs.
Les tirages moyens sont fixés à 5 000 exemplaires, mais peuvent grimper jusqu'à 80 000 pour les plus grosses parutions comme À propos d’amour de Bell Hooks. En rachetant les droits de traduction de l’autrice américaine, la maison a quitté la micro-édition et connu ses premiers succès éditoriaux. Un engouement qui ne la détourne pas de son premier objectif : mettre un point d'honneur à valoriser de jeunes auteurs francophones et continuer à étoffer son catalogue.
De Paris à Quimperlé
En avril 2024, l’équipe quitte la capitale pour Quimperlé (Finistère). La maison d'édition ouvre alors sa première librairie « Divergences » au 45, place Saint-Michel et installe ses nouveaux locaux au premier étage. L'établissement, tenu par Audrey Pineau, prend ainsi vie dans une vieille bâtisse du XVIIIe siècle. « Il n’y a pas de Parisiens dans l’équipe », explique Johan Badour, qui souhaite encourager la décentralisation du monde de l’édition. Avec ce déménagement, ce dernier espère élargir les ambitions de la maison, rencontrer ses lecteurs et organiser des événements.
Aujourd’hui, Johan Badour souhaite solidifier l’activité éditoriale des éditions Divergences, monter à 15 parutions par an, toucher un plus large public et certaines librairies plus frileuses en sciences sociales. En revanche, s’ouvrir à d'autres genres littéraires n'est pas pour l’instant au programme. Si la question est souvent soulevée au sein de l’équipe, pour son fondateur, faire de la fiction exige un travail éditorial tout autre et nécessitera, le moment venu, l’arrivée d’un ou d’une éditrice spécialisé.
L’éditeur se dit confiant pour la suite : « Il y a une attente du public et des libraires, mais aussi des auteurs qui viennent nous chercher, notamment par choix politique ». Il conclut : « Je ne pense pas que l’avenir soit si noir pour les petites maisons d’édition. Il y a une place pour nous. »