Un titre austère et banal ; une structure méthodique, en quatre parties bien délimitées... Les apparences sont pourtant trompeuses : Olivier Josso signe, avec Au travail, son deuxième livre après Douce confusion (Ego comme X, 2002), un ouvrage d'une extrême finesse, bien plus original qu'il n'y paraît à première vue.
La relation qu'il entretient à la bande dessinée et au dessin lui sert de fil conducteur. Plongeant dans ses souvenirs, l'auteur né il y a tout juste 44 ans se remémore la découverte des classiques Astérix, Lucky Luke et Tintin, abandonnés par les générations précédentes chez son arrière-grand-mère. Dessinant avec une belle liberté sur les feuillets orange qui protégeaient les radios des patients dans le cabinet de radiologie où travaillait sa tante Nanou, il montre comment certaines images ont façonné son imaginaire aussi bien que son rapport au réel. Il retrace ses premiers pas de dessinateur, quand il n'est encore qu'un enfant, comme autant d'interpellations subliminales d'une mémoire confisquée.
Car, parallèlement se dévoile le trauma enfoui de la disparition du père, décédé prématurément à 25 ans alors qu'Olivier Josso n'en a pas 3. Derrière le travail d'introspection se déploie une quête de l'absent. Elle est longtemps restée inavouée, à l'état latent, alors que la mère de l'auteur tente de se reconstruire et que sa grand-mère dissuade toute question en se murant dans le chagrin. Mais elle lui apparaît clairement quand il cherche à expliquer le choc produit par la lecture de son premier album de Spirou et Fantasio, La mauvaise tête, trouvé lors d'une expédition anxiogène dans la cave familiale.
Décortiquant brillamment cette histoire de masques et d'usurpation d'identité dont est victime Fantasio, Olivier Josso propose une exploration textuelle, graphique et psychique qui dépasse le cadre de l'autoanalyse. Il fait de son livre, où se mêlent les souvenirs personnels et des impressions de lecture qui sont aussi celles de plusieurs générations, un double hommage émouvant à son père et à la bande dessinée dont il magnifie la puissance de révélation.