15 octobre > Récit France

Pendant sa semaine de randonnée dans le massif du Mont-Blanc en compagnie de cinq adolescents suivis par les services sociaux, Dominique Fabre n’a noté sur ses carnets que quelques poèmes, faisant confiance à sa "mémoire d’éléphant pour les petites choses" en vue d’écrire ensuite ce récit - une proposition des éditions Guérin -, journal buissonnier d’une marche en montagne aux côtés de jeunes à problèmes.

Durant quelques jours d’automne, Dominique Fabre a ainsi arpenté les pentes alpines avec Nathanaël, un calme Angolais de 17 ans et demi, aux écouteurs vissés sur les oreilles, le virevoltant Bachir, 13 ans, arrivé du Pakistan deux mois plus tôt et ne s’exprimant que par gestes et onomatopées, Nour, originaire du Maroc, Corentin de Marcq-en-Barœul, qui allumait clope sur clope, et Antony, dont le rêve était de devenir catcheur professionnel. Cinq "larrons" venus du nord de la France, qui ne s’étaient jamais rencontrés avant cette aventure, encadrés par les deux Max, leurs éducateurs, une psychologue et une guide accompagnatrice.

De l’aveu des adultes, c’est "une troupe de gentils", même s’ils semblent plus concernés par les possibilités de prendre une douche ou de trouver du réseau pour téléphoner que portés sur la contemplation des sommets. "M’sieur Dominique", "l’écrivain de service", est quant à lui traité par chacun avec beaucoup d’égards.

Comme dans les romans désenchantés qu’il écrit depuis Moi aussi un jour, j’irai loin, le premier titre paru chez Maurice Nadeau il y a vingt ans, Dominique Fabre, qui se présente ici comme "pas très dégourdi pour bavarder en général", observe sans enquêter, déduit sans chercher à entrer dans le détail des lourdes histoires que portent pudiquement les ados. Il se relie en timide à ces gaillards dont les vies abîmées vont finir par se dire par bribes. Dans la proximité respectueuse et éphémère qui s’installe, des souvenirs personnels passent aussi, vite fait. L’écrivain se revoit à 8 ans, à 12 ans, dans ces mêmes montagnes savoyardes, enfant chez un couple en nourrice, plus tard adolescent, dans les dortoirs d’internats de banlieue parisienne. Et quand la météo fait des siennes, obligeant la guide à modifier l’itinéraire prévu, il sort sa douce autodérision pour raconter les ânes porteurs en "grève du zèle", le tipi pour dix personnes détrempé par la pluie et le réveil enchanteur sous trente centimètres de neige. "Dis-le dans ton bouquin, on veut juste faire partager le goût de la montagne, car ce goût-là dure toute la vie", avait suggéré l’un des éducateurs. C’est dit. Avec beaucoup de délicatesse.

Véronique Rossignol

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