Un ex-enfant cogneur, héros victorieux d'une guerre d'indépendance, devenu président, des serviteurs de l'Etat autrefois disciplinés et zélés qui choisissent de « faire défection » pour disparaître à l'étranger..., bienvenue au sommet du pouvoir et dans les basses-fosses d'un pays d'Afrique passé de l'oppression coloniale à la dictature à travers une violente guerre de libération.Voici Les hommes du ministère sous les ordres de Tobias « le Chef », le « guide de la Nation » : Omer Hassan, le ministre de l'Information par intérim, vétéran du maquis, un intime du Chef qu'il a servi comme opérateur radio lorsqu'il s'est embarqué à 14 ans dans « la grande aventure de l'armée populaire de libération nationale ». Et Nesbi, l'« agent de première catégorie à la direction du protocole », l'ami du narrateur, le quatrième personnage de ce roman.

Ce narrateur revendique sans équivoque la ressemblance recherchée et volontaire avec des personnages existants ou ayant existé : « Qu'on se le dise, les événements qui sont relatés ici ont tous eu lieu récemment, dans notre monde, en Afrique. Je les ai recueillis par fragments, le long d'interminables discussions sans queue ni tête, auprès d'inconnus croisés par hasard et jamais revus depuis. Le lieu de ces péripéties n'est aucun pays en particulier, sinon en imagination, les protagonistes n'existent pas vraiment. Mais pourtant tout est beaucoup plus réel que n'importe quel reportage. »

Si Léonard Vincent, ancien reporter en Afrique de l'Est, auteur de l'essai-enquête Les Erythréens, est aujourd'hui rédacteur en chef adjoint du service Afrique de RFI, son roman aux accents oppressants d'Il était une fois dans l'Est ne se contente pas de décrire les rouages d'un pouvoir qui tient sur la terreur sourde et viscérale qu'il inspire - convocations lourdes de menaces, soupçons à tous les étages, chasse aux dissidents, arrestations arbitraires... Il sonde les cœurs et les états d'âme de protagonistes singuliers, la dégradation intime que causent le chantage et les défis à la loyauté, la peur de la disgrâce quand « geler un collaborateur » est la dernière étape avant l'incarcération, l'oppression subie en cascade dans un pays où « tout le monde est soldat », où des ex-maquisards rebelles devenus fonctionnaires jouent chaque matin leur vie.