7 MARS - RÉCIT France

David Dufresne- Photo EMMANUELLE WALTER/CALMANN-LÉVY

Jeudi 23 février dernier, un homme d'une trentaine d'années était arrêté à Rouen et placé en garde à vue dans les locaux de la sous-direction antiterroriste à Levallois-Perret. Cet homme serait impliqué dans l'affaire dite "de Tarnac" et soupçonné d'avoir participé à la fabrication des crochets placés sur les caténaires SNCF entraînant, le 15 novembre 2008, le blocage d'une partie du trafic ferroviaire. Plus de trois ans après les faits, l'affaire Tarnac, synonyme pour beaucoup de fiasco politico-judiciaire et d'emballement médiatique, rebondit encore.

Tarnac, c'est le sparadrap du capitaine Haddock, dont l'appareil d'Etat ne parvient plus à se défaire, créant dans le même temps pour la galaxie ultragauche et anarcho-libertaire quelque chose qui pourrait s'apparenter à un récit de genèse. C'est l'impression qui ressort de la lecture du livre que le journaliste David Dufresne, ancien de Libération et de Mediapart, consacre à cette affaire sous le titre Tarnac, Magasin général. Ce qu'il y a de fascinant là-dedans serait d'ailleurs tout autant le "Tarnac Circus", qui s'est développé dans les jours et les mois qui ont suivi l'arrestation de Julien Coupat, Yildune Levy et de leurs présumés complices, que la démarche elle-même de David Dufresne. Le journaliste livre nombre de procès-verbaux d'audition, rencontre tout ce que cette affaire compte d'intervenants, refait les mêmes itinéraires, vivant même dans la proximité des différents sites, et d'abord dans ce petit village de Corrèze, Tarnac, où tout a commencé et aurait dû s'achever. Sa méthode, plurielle, loin d'assombrir une affaire embrouillée  - dès lors que les exigences de la politique, de la police, d'une grande entreprise publique, des médias croisent celles de la justice -, détourne le regard de ses lecteurs de cet enfer vers un véritable récit, limpide et marqué du sceau du doute. De ceux qu'il interroge, mais d'abord du sien, de sa pratique professionnelle, de ce métier de journaliste dont de telles affaires accusent lourdement les dérives. En ce sens, Tarnac, Magasin général n'est pas sans faire penser au Bûcher des innocents de Laurence Lacour (Les Arènes, 2006), consacré à un autre emballement médiatique, l'affaire Grégory Villemin. Au fond, dans cette "gonzo-enquête" à la première personne, David Dufresne cerne bien les limites du "storytelling" généralisé par lequel une société tout entière, grands corps d'Etat compris, refuse de s'affronter à elle-même. En cette période préélectorale où chacun veut faire un tour de manège, une telle lecture est peut-être la plus violemment et justement politique qui soit.

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