Dans le quotidien d'un attaché de presse dans l'édition, il existe un moment de grâce : celui où Dorothée Fries, assistante de la rédaction de « La grande librairie », appelle pour confirmer l'invitation d'un auteur. « Quand je vois son nom s'afficher sur mon téléphone, je sais que notre discussion sera suivie d'une petite danse de la joie », s'exclame Arnaud Labory, directeur de l'agence de communication La Bande. « On vient d'apprendre qu'Oxmo Puccino ferait partie de l'émission du 19 mai pour son premier roman. Cela reste un Graal, avec un effet immédiat sur les ventes », confirme Charlotte Rousseau, chef du service de presse de Lattès, qui lance dès lors la machine : « On prévient nos commerciaux et les libraires pour que le livre soit bien en place. » Si la petite équipe de fidèles qui entoure François Busnel effectue parfois un tri, c'est bien le producteur et animateur du programme qui compose son plateau, après avoir reçu chaque ouvrage « systématiquement dédicacé par l'auteur », indique Charlotte Rousseau, et aimé son contenu.
Olivia de Lamberterie, qui reçoit une cinquantaine de livres par jour, choisit elle aussi personnellement les livres qu'elle chroniquera dans « Télématin », ou dans Elle. Elle reste attentive aux recommandations des éditeurs et attachés de presse, qui connaissent ses goûts, « mais si on m'assure que tel livre est un chef-d'œuvre, et que ça n'en est pas un, je serai beaucoup moins à l'écoute la fois d'après », pointe-t-elle.
Du côté des talk-shows de la fin de journée, en revanche, ce sont les journalistes programmateurs, avec leur vision panoramique de l'actualité, qui ont les cartes en main. « C à vous », « Quotidien », « C ce soir », la nouvelle émission de Karim Rissouli sur France 5, « 28 minutes », présenté par Élisabeth Quin sur Arte... Les échanges sont constants, et fructueux. « Avec Vincent Lesclauze, programmateur chez Quotidien, on s'écrit deux fois par semaine. Il faut les tenir au courant de nos nouveautés mais sans harceler. Et surtout, il faut être honnête, sur le contenu du livre, et sur le profil de l'auteur, s'il sera à l'aise en plateau... », raconte Arnaud Labory.
L'ère du sur-mesure
Pour lancer début janvier la promotion de La familia grande, de Camille Kouchner, Caroline Gutmann a opté pour Le Monde, L'Obs, Elle et l'incontournable plateau de « La Grande librairie ». « Un mois plus tard, elle s'est rendue chez Quotidien », ajoute la directrice de la communication du Seuil, donnant ainsi un échantillon des médias les plus convoités par les maisons d'édition.
De l'aveu général cependant, il n'existe pas de petite victoire, tant les espaces dédiés au livre se sont réduits, en particulier dans la presse écrite. « Et puis nous sommes passés dans l'ère du sur-mesure : il nous faut des articles, des radios, des télévisions, des formats web... La promo évolue au fil du temps », relève Caroline Gutmann, qui explique travailler très régulièrement avec Brut ou Konbini.
Clémence Seibel, attachée de presse indépendante et qui défend des ouvrages de littérature grand public et pratiques, aime miser sur la presse régionale, « plus ouverte aux propositions que la presse nationale », et sur les sites internet des quotidiens et hebdomadaires, parce que les articles circulent plus vite. ParisMatch.com et 20Minutes.fr ont ainsi été parmi les premiers à parler du livre Jouissance Club, de Jüne Plã (Marabout, janvier 2020), dont elle gérait la promotion et qui dépasse les 200 000 ventes. Mais avant de toucher le public, le plus dur reste souvent de faire lire les journalistes. Et pour cela, « rien de mieux qu'un papier dans Le Parisien, ou une dépêche AFP, lus par toute la presse », pour changer le destin d'un livre.