4 NOVEMBRE - ESSAI France

L'homme - le mâle - n'aura jamais été autant décortiqué que cette année en librairie ! Jean-Claude Bologne avait ouvert le bal au printemps dernier avec son Histoire de la coquetterie masculine (Perrin). Puis, tout récemment, ce fut la monumentale Histoire de la virilité, en trois volumes, au Seuil. Et enfin, cette copieuse histoire du dandysme, chez François Bourin, magnifiquement illustrée, et signée par Daniel Salvatore Schiffer, professeur d'esthétique à l'école des Beaux-Arts de Liège.

De la coquetterie au dandysme, il y a un monde, et pourtant une même étymologie. « Coquet » dérive de « coq », comme le rappelait Jean-Claude Bologne : "C'est le mâle fier de sa crête et batailleur. » Si l'étymologie du mot « dandy » est plus incertaine, il semblerait que le mot désignait, à la fin du XVIIIe siècle, les "coqs de village" du nord de l'Angleterre, à la frontière avec l'Ecosse. En s'acclimatant aux brumes londoniennes, le dandy perdra ses origines rugueuses pour devenir l'incarnation d'une mouvance "superficielle par profondeur », pour rependre une formule de Nietzsche. Mais alors que la coquetterie est moutonnière - elle suit la mode, le dandysme est avant tout une aventure singulière.

Du reste, s'il est toujours possible d'identifier des dandys d'avant le dandysme (le marquis de Lauzun est un bon candidat), il n'en demeure pas moins que cette attitude n'a pu s'imposer qu'avec la montée de l'individualisme. "Le dandy est un jeune homme qui a appris à se passer du monde entier », disait Musset. Du coup, si la coquetterie a ses "tendances", le dandysme a ses figures.

A commencer, bien sûr, par Lord Brummell, ce "Louis XIV de la fashion », comme le décrivait Barbey d'Aurevilly, dont le Mercure de France, dans sa collection "Le temps retrouvé", vient justement de rééditer l'extraordinaire essai biographique qu'il consacra à "Beau" Brummell, avec une présentation très pertinente de Marie-Christine Natta. Car si le dandysme naquit outre-Manche, c'est chez nous qu'il fut le mieux théorisé, grâce notamment à Barbey, ou à Baudelaire, eux-mêmes figures assumées de cette posture. Mais le dandysme ne s'est pas arrêté à Oscar Wilde ; Daniel Salvatore Schiffer en scrute les rémanences jusque chez nos contemporains : Andy Warhol, David Bowie, Serge Gainsbourg... y compris parmi les femmes - Sagan ne fut-elle pas la quintessence du dandysme ?

Contrairement à une idée vite reçue, il ne se limite pas à des questions d'élégance vestimentaire. C'est bien tout un état d'esprit qui va de pair avec l'étiquette de l'apparence. Certes, on pourra toujours juger cela futile. Certes, l'histoire ne se connaît pas (encore) de dandys qui aient remporté des batailles de la Marne. Mais comme le disait très à propos Barbey d'Aurevilly, "l'humanité a autant besoin d'eux et de leur attrait que de ses plus imposants héros ».

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