3 octobre > Roman France

Emmanuelle Pagano- Photo HÉLÈNE BAMBERGER/P.O.L

On admirait les romans d’Emmanuelle Pagano - Les mains gamines (2008), L’absence d’oiseaux d’eau (2010)… -, ses nouvelles - Un renard à mains nues (2012), elle nous surprend avec une forme jusque-là inédite, un nouveau texte fait de saynètes sans liens apparents. Un fil rouge ? Une trame ? «L’amour», sans doute, le premier de la longue liste de mots disposés en vrac au pied du lecteur, inventaire hétéroclite, livré en quatrième de couverture. Alors oui, on trouve l’amour dans Nouons-nous. De l’amour passé, souvent. Des hommes anonymes qui se souviennent de femmes qui les ont quittés. Des femmes anonymes qui parlent d’hommes qu’elles ont perdus. De l’amour en éclats, en fragments, en cicatrices, en petits morceaux. Des couples se séparent, se rapprochent, reliés par des coutures plus ou moins transparentes, des attaches plus ou moins solides : la ficelle dont on entoure des fagots et qui blesse les mains, le fil à pêche avec lequel des facétieux suspendent des fruits aux arbres d’un verger ou que l’on noue autour du poignet d’un mort pour « attacher son âme et la ramener à la maison ». L’amour est inquiet, l’intimité est fugitive. C’est de l’eau donnée de bouche à bouche, des cheveux lavés. De courts aphorismes - « plus il me lit, moins il m’aime » - s’intercalent entre des séquences pleines d’une loufoquerie un peu triste. Comme cette femme qui opte pour un box car elle ne parvient pas à s’entendre avec son compagnon sur la manière de faire le tri dans leurs affaires.

En notes, à la fin, l’écrivaine, ancienne étudiante en esthétique du cinéma et professeur d’arts plastiques, actuellement pensionnaire de la villa Médicis, signale des « emprunts » à des films rares, René d’Alain Cavalier, John Arthur Geall de L.M. Formentin, Passage de John Walker… On peut ainsi tirer d’autres fils dans ce livre déroutant, trouver d’autres accès. Et se laisser entraîner par l’engageante exhortation du titre.

V. R.

 

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