Pour la sociologie aurait pu s’intituler Contre Philippe Val. Il s’agit en effet d’une méticuleuse réponse à Malaise dans l’inculture (Grasset, avril 2015), qualifié par Bernard Lahire d’ouvrage "d’une rare indigence intellectuelle", dans lequel Philippe Val s’en prenait à l’"excuse sociologique" pour expliquer des faits traumatisants comme les émeutes ou les attentats. Ce professeur à l’Ecole normale supérieure de Lyon lui oppose une approche à la Spinoza : "Ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas détester, mais comprendre."

Dans la lignée de Pierre Bourdieu qui considérait que la sociologie était aussi un sport de combat, Bernard Lahire défend la méthode de Durkheim qui considère que l’individu est aussi le produit des interactions avec les autres. L’auteur de Ceci n’est pas qu’un tableau (La Découverte, 2015) a délaissé sa prose universitaire pour ce livre d’intervention tonique qui explique à quoi sert la sociologie et affirme que rechercher les causes n’équivaut pas à les absoudre. "Comprendre sereinement ces logiques, c’est se donner la possibilité d’agir et, à terme, d’éviter de nouveaux drames."

Face au déferlement compréhensible des émotions - un pays est avant tout constitué de ses émotions -, il en appelle au complexe, au fait que les comportements individuels ne se comprennent pas de manière isolée mais toujours en rapport avec d’autres éléments. Il a le mérite de poser le débat dans le respect que l’on doit aux victimes des carnages, mais aussi dans celui que l’on doit avoir de la connaissance des faits. Gardons en mémoire la phrase de Camus : "Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde."L. L.