Lecture

Elle a été la pratique culturelle préférée des Français pendant le confinement (source GfK), au cœur de toutes les prescriptions pour s'évader sans voyager, et même l'objet d'une injonction présidentielle - « Lisez ! », a intimé Emmanuel Macron lors de son adresse à la population le 16 mars dernier. La lecture jouit en France d'une aura inégalée. Et pourtant, face aux lettres, les chiffres sont sans appel : les plus de 15 ans lisent de moins en moins. Selon l'enquête « Cinquante ans de pratiques culturelles en France »*, 62 % de nos concitoyens ont lu un livre en 2018. Soit « 11 points de moins par rapport à 1988, et la proportion la plus faible observée depuis le début des années 1970 », notent les auteurs de l'étude, Philippe Lombardo et Loup Wolff, qui relèvent aussi une féminisation et un vieillissement du lectorat, en même temps qu'une diminution du nombre de lecteurs assidus. Le constat ferait pâlir n'importe quel professionnel du livre, si tout le monde n'était pas déjà conscient de la concurrence exercée par les réseaux sociaux et les plateformes de streaming vidéo. « La numérisation de nos pratiques a changé notre rapport au temps et nos rythmes de vie. Or il faut avoir du temps pour lire, pour comprendre l'évasion que procure la lecture », analyse Séverine Gégauff-Lebrun, créatrice de la série pour enfants « Yétili » sur France 4. Pour autant, pas question pour cette ex-programmatrice du salon du livre jeunesse de Montreuil de stigmatiser smartphones et télévision : « Les gens du livre doivent être sur les écrans, pour faire aimer le livre et la lecture aux plus jeunes. »

Adolescent dans sa chambre - Jeune lecteur - Lecture jeunesse- Photo OLIVIER DION - ©OLIVIER DION - OLIVIER DION

Créer l'intérêt pour la lecture...

Semer très tôt l'amour des livres afin de trouver de nouveaux lecteurs, l'enjeu est de taille pour l'ensemble de la chaîne. Alors qui pour compléter les apprentissages de l'école (voir p. 45) ? À rebours de la diminution constante de la lecture depuis inquante ans, les usagers des bibliothèques et médiathèques ont rajeuni, et la fréquentation de ces établissements est restée stable grâce à une « politique volontariste d'accueil des publics », note encore l'enquête du ministère de la Culture. Mais cette pratique reste « fortement liée au milieu social », précisent Philippe Lombardo et Loup Wolff, soulignant que les cadres sont près de deux fois plus nombreux que les ouvriers et employés à fréquenter les bibliothèques. De l'avis de l'auteur Alexandre Jardin, cofondateur, en 1999, de l'association Lire et faire lire, qui revendique 20 000 lecteurs bénévoles pour plus de 780 000 enfants bénéficiaires, c'est de la société civile que viendra la révolution de la lecture : « Il y a encore toute une partie de la population qui n'ose pas entrer en librairie ou en bibliothèque. Si l'on veut que le livre soit omniprésent dans notre quotidien, il faut aller là où les gens se trouvent. » Et sans tabou. En 2015, il a été le premier auteur à nouer un partenariat avec McDonald's et Hachette Livre pour une collection de petits titres jeunesse distribués dans les Happy Meal, imité par la suite par Marc Lévy et Katherine Pancol. « Cela représente plus de 60 millions de livres distribués à des familles qui n'ont pas forcément beaucoup de livres à la maison », relève-t-il, en saluant « Les mercredis à lire », la nouvelle initiative du géant du fast-food qui distribue, depuis le 2 septembre, un ouvrage aux enfants présents dans ses 1 400 restaurants chaque premier mercredi du mois. Remettre la lecture partagée au cœur des pratiques familiales, c'est aussi la mission de Léo Campagne-Alavoine, directrice de l'agence Quand les livres relient. Le réseau, qui fédère 79 structures (associations de lecteurs, médiathèques, lieux d'accueil et foyers de l'enfance...) travaille depuis 2004 autour de la lecture à voix haute d'albums pour les tout-petits, afin que les enfants « rencontrent le livre le plus tôt possible, si possible avec leurs parents », détaille la directrice. Outre un objectif de partage des connaissances via des colloques et publications, l'agence accentue sa force de frappe en menant des lectures hors des médiathèques, y compris lors de distribution de nourriture.

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... Et le faire durer

Une fois le virus inoculé, il ne reste qu'à faire durer la fièvre de la lecture. Pour éviter le décrochage qui intervient au collège - entre 12 et 15 ans en moyenne, disent les études - les éditeurs misent de plus en plus sur le format court, plus en phase avec le nouveau temps d'attention réduit dont nous disposons. Avec la collection « Court toujours », lancée le 3 septembre, Nathan cible les 15-25 ans et tâche de s'inscrire dans leurs habitudes de consommation. Les titres de la collection sont à la fois brefs pour ne pas rebuter les décrocheurs, accessibles financièrement puisque chaque ouvrage est proposé à 8 euros, et ils suivent les jeunes adultes dans leurs déplacements, car tout achat papier donne accès gratuitement au format e-book et audio. Il y a trois ans, avec « Presto », des romans « courts et vifs », Magnard tentait déjà l'opération (re)séduction des ados partis progressivement vers d'autres loisirs, comme Talents Hauts et sa collection « Ego » qui existe depuis 2012, ou « Mini-romans », chez Sarbacane, créée en 2010. « Il y a une vraie vogue des formats courts », reconnaît François Martin, éditeur de littérature chez Actes Sud Junior, qui concède que les logiques sont parfois très pragmatiques : « Quand les professeurs donnent une liste de livres recommandés, certains élèves choisissent en fonction du nombre de pages. » Si Actes Sud Junior a été précurseur sur le créneau avec la collection « D'une seule voix », lancée en 2007, l'éditeur mise en cette rentrée sur #Automne, le premier tome de la série Darling, de Charlotte Erlih et Julien Dufresne-Lamy. Couverture inspirée d'Instagram et langue nourrie d'expressions glanées sur les feeds Twitter, le contenu est taillé pour les générations Y et Z accros aux réseaux sociaux. Et au-delà des élèves et des étudiants, si la porte d'entrée vers la lecture pour les adultes se trouvait du côté du monde du travail ? Après avoir concentré son action sur les milieux dits « captifs » des établissements scolaires, l'association Silence, on lit !, qui prône la mise en place de 15 minutes de lecture par jour dans tout type de collectif, compte bien se faire une place en entreprise, pour que chacun renoue avec les bienfaits de la lecture, bien après les bancs de l'école.

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*Enquête conduite en 2018 par le Département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture auprès de 9 200 personnes de plus de 15 ans et dévoilée en juillet 2020.

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