Un cubiste dans ses murs. Contrairement à son frère cadet Paul (1881-1959), Léonce Rosenberg (1879-1947) n'a pas une très bonne réputation auprès des artistes et des historiens de l'art. Ce marchand qui se voulait mécène barguignait avec « ses » peintres et était interventionniste dans leur création. Il profita du fait que les biens de Daniel-Henry Kahnweiler soient saisis pendant la guerre de 1914-1918, parce qu'il était allemand et en exil, pour racheter certains de ses tableaux à bas prix et tenter de le remplacer sur le marché. Raté ! Léonce, marchand, galeriste, éditeur de la revue Le Bulletin de l'Effort moderne (à partir de 1924), avait néanmoins du flair et du goût. Il acheta son premier Picasso dès 1906, exposa le premier Mondrian en 1921, et, se voulant un homme moderne, se fit le propagandiste du cubisme, au point de le transposer chez lui, sur ses murs, et de vivre en cubiste.

Le 15 juin 1929, il pend la crémaillère de son appartement du 75, rue de Longchamp, dans le XVI^e arrondissement, 360 m² en location, pas moins de onze pièces confiées à des artistes majeurs : Chirico, Léger, Ernst, Picabia, Gleizes etc. Si le mobilier demeure en partie XIX^e siècle, les murs sont couverts de tableaux commandés par lui, la décoration est en harmonie, les objets aussi. Une recherche de cohérence, mais aussi l'étalage d'un luxe tapageur, qui se révélera éphémère : le krach de 1929 rebat les cartes, la crise s'installe, les affaires périclitent. Léonce doit déménager dès 1932, et son influence ira se rétrécissant, jusqu'à la guerre. De famille juive austro-hongroise, il était le grand-oncle d'Anne Sinclair.