Chic, un inédit de Sendak ! Comme un bonheur n’arrive jamais seul, L’Ecole des loisirs a eu la bonne idée d’accompagner cette sortie de la réédition de deux albums mythiques, Cuisine de nuit et Quand papa était loin. Jusqu’à ses 8 ans, Prosper Bobik, cochonnet de son état, a toujours été un tantinet morose. Il y a de quoi, foi de vérat ! Ses gorets de géniteurs ne lui ont jamais fêté le moindre anniversaire. Pour son premier, "sa famille proche désapprouvait toute forme de gaieté" et, pour les suivants, ils oubliaient tout bonnement. Mais voilà qu’un cadeau du ciel lui tombe sur la couenne : sa famille a fini en pâté et jambon… Héloïse, une vieille tante sans enfants, l’adopte illico. A lui la belle vie ! Autant dire que, pour son neuvième anniv’, il fignole le carton d’invitation : "éleveurs porcins s’abstenir", multiplie les conseils pour sa fête costumée : "pas de bain de boue, pas de bain d’ordures avant de mettre votre masque". Au menu, défilé de comtesses à pedigree et capitaines au long cours, haro sur le thé de Ceylan de la vieille Héloïse et "culbutes fatales" dans la proprette maisonnette. Les cochons cochonnent, c’est leur nature. Mais la vieille tante qui rentre inopinément et découvre le pot aux cochons roses ne l’entend pas de cette oreille. "Mon gars, tu l’as eue, ta nouba", assène-t-elle à Prosper. Et lui, tout penaud, de répondre : "Je te promets, j’aurai jamais 10 ans. " Dans cette histoire hilarante et délirante, on traque le détail croquignolet aussi bien dans le dessin de la bougie tire-bouchonnée que dans le texte versifié où "râble" rime avec "admirable" et où les jurons sondent l’imaginaire régressif lié au cochon. Mais l’humour truculent n’occulte jamais une veine plus sombre et transgressive, marque de fabrique de Sendak.
Fabienne Jacob