Après trois années d’une intense activité liée aux refontes profondes de nombreuses collections, le marché des classiques se stabilise en 2015 en enregistrant, pour la deuxième année consécutive, une progression de quelques dixièmes de point, se fixant, selon GFK, à + 0,6 % à fin décembre. Une stagnation qui constitue tout de même l’une des meilleures performances du parascolaire et qui n’inquiète pas outre mesure les éditeurs. "Avec leurs ventes régulières, portées par la prescription, les classiques restent un terrain sûr, où l’on peut se permettre d’investir sans prendre trop de risques", assure Laurent Breton, directeur du pôle grand public de Magnard.
Stable, le secteur devrait plus ou moins le rester en 2016. Si la réforme touche également les classiques, en supprimant par exemple la liste des livres à lire obligatoirement dans chaque classe et en favorisant l’aspect thématique, elle devrait toutefois engendrer des bouleversements éditoriaux de moindre ampleur. Folio, Larousse ou Nathan ont ainsi choisi d’attendre le second semestre et les premiers retours des enseignants pour lancer une réflexion et réviser les contenus, si le besoin s’en fait sentir. "Nous procéderons à des ajustements du catalogue au fil du temps, plutôt visibles en 2017, explique Séverine Merviel, directrice marketing de Nathan Secondaire. Certains textes changeront par exemple de niveau et nous modifierons également des outils pédagogiques." En 2016, Nathan joue donc plutôt la carte du festif en célébrant les 10 ans de ses "Carrés classiques", un anniversaire qui permettra de jalonner l’année de différents événements promotionnels, qui doivent dynamiser les ventes.
Privilégier le visuel
Engagée en 2015 dans une refonte progressive et très ciblée de ses collections phares "Bibliocollège" et "Bibliolycée", Cécile Labro, directrice parascolaire et pédagogie d’Hachette Education, promet de son côté une "amélioration" du concept né l’année dernière et qui, "éditorialement, allait dans le bon sens". Mais "confrontés à des résultats commerciaux encore insatisfaisants et afin de rendre les livres encore plus attrayants pour les élèves, nous avons mis l’accent sur les visuels, ce qui colle de toute façon aux nouveaux programmes, qui privilégient l’image", détaille l’éditrice, qui publiera cette année encore un nombre modéré de titres ainsi retravaillés. Chez Hatier, Rachel Duc, directrice parascolaire, déploie une stratégie approchante. Digérant la refonte massive des "Classiques & Cie", qui a eu lieu l’année dernière et a permis à la collection, en lui donnant une forte visibilité, de réduire l’écart avec la concurrence, l’éditrice prévoit en 2016 une mise en phase progressive de certains titres avec les nouveaux programmes ainsi qu’une ouverture du catalogue aux recueils thématiques et à la littérature jeunesse et contemporaine.
En revanche, pour Tiphaine Pelé, directrice des "Etonnants classiques" chez Flammarion, 2016 représente un "gros enjeu". Elle profite en effet de la réforme pour faire évoluer l’ensemble des titres destinés au collège, qui composent 65 % de son catalogue, et dont la maquette n’avait pas bougé depuis dix ans. "Avec cette nouvelle mouture, nous allons essayer de répondre à toutes les entrées du programme : le dossier sera aménagé pour apporter plus de visuels et de force graphique, sans toutefois tomber dans le cahier de vacances, et nous mettrons l’accent sur les anthologies et les recueils", détaille Tiphaine Pelé, qui augmentera sa production au second semestre. Par effet de bascule, le programme du début d’année a été allégé. Il est surtout marqué par un ouvrage à destination des lycéens, né des attentats dirigés contre Charlie Hebdo, intitulé Liberté chérie et paru en janvier. Avec cet outil pédagogique conçu pour aborder la liberté d’expression en classe, l’éditrice espère réaliser la même performance que Véronique Jacob, directrice éditoriale de la collection "Folioplus classiques" qui a épuisé le premier tirage de sa Petite histoire de la caricature de presse en 40 images, paru en juin dernier.
Passant toujours à l’offensive pour les classiques, Magnard compte également sur la réforme pour accélérer la cadence et négocier le "tournant" qui devrait conduire la maison à "devenir le deuxième acteur du marché", prédit Laurent Breton. Plus d’une vingtaine de titres sont donc programmés, dont plusieurs dans la collection "Les grands contemporains présentent", lancée en 2015. Ces recueils de textes thématiques, chapeautés par une personnalité forte qui en rédige la préface et participe au choix des textes, "collent parfaitement à la réforme et devraient donner lieu à de bons développements", pronostique Laurent Breton.