Survivre en temps de bêtise. À 51 ans, les jumeaux Jeanie et Julius vivent toujours chez leur mère. Après la mort accidentelle de son époux, écrasé par un tracteur, Dot les a élevés dans un cottage délabré tenant lieu de refuge au monde extérieur, le jardin et la basse-cour assurant leur subsistance. Mais quand leur mère décède à son tour, Jeanie et Julius se retrouvent livrés à eux-mêmes, endettés et en marge d'une société contre laquelle ils ne sont pas armés. Les Rawson, propriétaires du cottage, réclament des loyers impayés. Les artisans et commerçants du village voisin présentent des notes non réglées. Peu à peu, les secrets entourant le passé de Dot refont surface, désagrégeant le fragile canevas sur lequel l'existence de Julius et Jeanie s'est tissée. Vivant au jour le jour, au rythme des saisons, sans Internet ni télévision ni compte en banque, le frère et la sœur semblent démunis face aux injonctions. Menacés d'expulsion, ils tentent de préserver ce qu'il leur reste et la source de leurs joies simples : le cottage, son jardin, la compagnie d'un vieux chien et la musique. Prêts à tout pour protéger leur sanctuaire, les jumeaux s'interrogent néanmoins sur la possibilité de mener une vie enfin indépendante l'un de l'autre.

La « terre fragile » dans laquelle ce roman prend racine est celle d'une Angleterre rurale, contemporaine, post-Brexit, à mille lieues de l'idyllique campagne anglaise telle que nous nous la représentons souvent de ce côté-ci de la Manche- et qui relève sans doute davantage du mythe que de la réalité. Victimes de leur marginalité et de leur précarité, Jeanie et Julius doivent non seulement faire face à la vénalité de ceux qui tentent de profiter de leur faiblesse, mais également à la pitié qu'ils lisent dans le regard de ceux qui tentent de leur venir en aide. Avec une plume sensible et subtile mais dans l'encre de laquelle sourd une insondable colère, Claire Fuller montre comment l'implacable complexité du monde moderne peut altérer la sincérité des relations humaines. Dénonçant un système de classe que l'on pensait révolu, l'écrivaine brosse le portrait d'un royaume désuni où les valeurs semblent inversées, où la différence exclut et l'indifférence rassemble.